Andy Cooper « The Layered Effect »

2018, l’esprit Hip-Hop est donc toujours vivant, et même si le Rap game se (con) ou (mor) fond dans la surenchère et dans la névrose post-industrielle, il subsiste des irréductibles pour qui cet art noble du Breakbeat et du mic est toujours le lieu du partage, de la résistance créative et de la fête. Andy Cooper, leader incontournable des merveilleux Ugly Duckling, prouve avec son entreprise solo The Layered Effect qu’il est assurément l’un des gardiens du temple, dans le sillage musical des passionnants Jurassic 5 et autres Cut Chemist, et dans la lignée de ses collaborations avec de passionnants compagnons de route, comme Dj Format, Abdominal ou encore The Allergies.

Qu’est-ce que nous demandons, finalement, à un album de Hip-Hop à l’ancienne ? De l’énergie (beaucoup !), de l’esprit et de la malice (forcément !), de l’inventivité (évidemment !). Et justement, The Layered Effet active avec gourmandise, tous ces éléments avec une fraîcheur, plus que salvatrice, en réponse aux sonorités sombres et disruptives du Hip-Hop actuel. Célébrant un âge d’or du Hip-Hop et du Rap (le fameux Daisy Age?), notre professeur du jour, nous invite à propager avec passion l’héritage d’une musique libre et émancipatrice, expression originelle du ghetto new-yorkais, qui inspire aujourd’hui l’ensemble des cultures urbaines de la planète. Chez Andy Cooper, le Hip-Hop et son émanation vocale, le Rap diffusent leurs ondes positives comme une thérapie créative contre la morosité ambiante. A l’écoute de ce disque généreux et joueur, (et particulièrement des clins d’œil appuyés de « Sizzling Hot ») notre imaginaire fantasme sur l’ambiance mythique des blocks parties originelles et se projette dans les dessins d’Ed Piskor (et sa fameuse série bande-dessinée, Hip-Hop Family Tree).
Sans trop intellectualiser une démarche, qui ne l’est pas, cette musique est à l’image de son créateur, une sorte de manifeste hédoniste d’un art de vivre, qui se confond avec soif de créer et de s’emparer du mic! D’une certaine façon, la culture Hip-Hop est une façon de prendre de la hauteur sur son quotidien et de rompre avec. Bien sûr, le Rap est toujours le lieu d’un ego trip exacerbé, où la pratique même, avec ses codes, ses usages, son lexique, alimente en permanence la création comme une source d’inspiration inépuisable (« Get on That »). The Layered Effect trouve son essence même dans la défense d’un territoire créatif, désormais exposé comme jamais à la merci des multinationales et de la grande industrie. Combattant du beat et de la rime, notre cher Andy se lance dans une déclaration personnelle d’une définition du mouvement sur « The Perfect définition »? Plus loin, il décrit non sans humour, le blues qui serait celui des B-Boys, devant la perversion d’un genre, qui pourrait ne devenir que le fantôme de lui-même. Et par là-même, entreprend avec habilité le procès de ceux qui ont (selon lui) perverti cette noble pratique qu’est le rap. Cet album est de fait, une révérence aux grands anciens, et particulièrement au fameux collectif des Natives Tongues. A travers une intelligente posture, animée par la volonté de replacer ce mouvement dans une respectueuse perspective historique, une instru’ comme celle de « Do The Andy Puppet » aurait ainsi eu fière allure sur le premier album des mythiques De La Soul 3 Feet High and Rising (1989, Tommy Boy) alors que le très enlevé « Rick Said So » (allusion au fameux Rick Rubin de Def Jam!) rappelle la place incontournable des Beastie Boys et de Run DMC au panthéon Hip-Hop.
Véritable couteau suisse de la vibe et du beat, le MC américain impressionne par sa polyvalence, combinant à merveille la précision d’un beatmaking curieux et digger à la fraîcheur d’un flow agile et virevoltant. Fonctionnant finalement presque comme une mixtape, ce LP impose une réelle continuité sonore, sans tomber dans le piège de la répétition. Loin d’égaler la virtuosité d’un Madlib ou d’un Q-Tip, Andy est pourtant extrêmement juste dans ses choix esthétiques, à la fois efficaces et malicieux, quelque part entre The Avalanches et Dj Touché, (à l’époque des premiers Wiseguys). Ce LP consacre ainsi, une collection de samples jazz, funk, blues, et de détails sonores estampillés « librairy records ». Il agrège ainsi avec brio, voix d’enfants,

parenthèses audio-naturalistes et breakbeats sur-vitaminés, pour alimenter avec bonheur, le groove permanent de l’ensemble. (« Can’t be Satisfied »). Parfois proche d’un court-métrage, certains morceaux comme « A New Dawn » et ses soubresauts très Busdriver, délivrent une cinématique humoristique, et évoluent dans d’étonnants reliefs
narratifs.

Tendrement nostalgique, ce nouveau disque d’Andy Cooper, sous ses airs faciles et entrainants, n’est pourtant pas qu’un simple exercice de styles dans la cour de récré. Militant dans l’âme, il reste une magnifique et touchante déclaration d’amour au Rap et plus largement, à la culture Hip-Hop par l’un de ces plus fervents activistes, qui n’a rien perdu de sa verve et de sa passion, depuis la formation d’Ugly Duckling en 1995.

Andy Cooper The Layered Effect Rocafort Records

TRACKLIST:

Side A

Here Comes Another One
The Layered Effect
The Perfect Definition
Get On That
Do The Andy Puppet
Last Of A Dying Breed

Side B

Anything Goes
Can’t Be Satisfied
B-Boy Blues
Sizzling Hot
Just One Of The JB’s (Interlude)
Rick Said So
A New Dawn



Également disponible en écoute intégrale sur Bandcamp et Spotify.


Laurent Thore

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