C’est non sans une certaine émotion et une larme au coin de l’œil qu’on dévore ce monumental ouvrage dédié à Gildas Cospérec, un personnage attachant disparu en mars 2020, un garçon plein d’humilité et d’une gentillesse sans pareille, un seigneur qui n’a eu de cesse de partager et de transmettre sa passion du rock’n’roll ; bref, un Prince du Garage Rock.
Sous-titré L’histoire orale non censurée du garage en France, via Dig It ! et la scène toulousaine, le livre retrace l’œuvre de Gildas Cospérec sous la plume de Patrick Bainée et Patrick Cazengler qui ont collecté son témoignage utilisé comme colonne vertébrale à l’ouvrage et le témoignage de ses proches. À travers les nombreuses activités menées par Gildas, on découvre le rock toulousain de ces quarante dernières années. Gildas avait dans un coin de sa tête, l’idée de sortir un livre rassemblant les meilleurs articles du fanzine Dig It ! Malheureusement, la maladie l’a forcé à cesser toute activité. Les auteurs ont pris le relais et ont profité pour livrer en plus du recueil d’articles publiés en fin de Confessions of a Garage Cat, la vie et l’œuvre de Gildas. Malheureusement, le principal intéressé est parti avant de tenir ce formidable document entre ses mains.
Gildas Cospérec a quitté sa Bretagne natale pour s’installer à Toulouse dans les années 80. Il a tout d’abord collaboré au magazine Nineteen. Il a commencé la radio à FMR avant de pousser la porte de Canal Sud. Il a organisé des concerts durant une dizaine d’années, notamment à la salle FMR. Il a lancé le fanzine Dig It !, émanation de son émission radio, il a été le chanteur des Shoo Chain Brothers (les Bretons apprécieront le jeu de mots), il a lancé le label Zombie Dance Records avec
lequel il a produit cinq split EP’s exhumés pour l’occasion par Patrick Cazengler. Bref, un stakhanoviste. Tous ceux qui ont participé au livre en témoignent avec ferveur. L’émission Dig It ! Radio Show était une source inépuisable d’informations pour tout fan de garage et plus généralement, de rock. Au même titre que le fanzine Dig It ! qui n’a cessé de prêcher la bonne parole 26 ans durant. Gildas était un homme érudit pourvu d’un humour cinglant. À ce propos, Dimi Dero rappelle sa fameuse blague : « Quelle est la différence entre le football et la musique ? Au football, les mi-temps sont interminables, en musique, les minables sont intermittents ! » Les auteurs auraient pu faire un chapitre complet de ses petites drôleries qui ponctuaient souvent ses conversations.
Bien avant que les médias généralistes ne s’emparent du phénomène Limiñanas, le groupe avait déjà fait la couv’ de Dig It ! en 2011. La première interview française des Hellacopters, c’était pour Dig It ! en 1997. Le fanzine a même compté occasionnellement quelques notoriétés parmi ses rédacteurs et pas des moindres. Les dernières années par exemple, le Bostonien J.J. Rassler y tenait tribune, lui qui fut guitariste de DMZ et des Queers entre autres. Dig It ! faisait référence, non seulement en France aux côtés d’autres publications historiques comme Abus Dangereux et Rock Hardi, mais aussi à l’international. À travers ces pages, on est aussi convié à une visite guidée de la faune rock toulousaine en passant par les disquaires, Armadillo ou Vicious Circle, par les lieux de concerts, du Bikini à la salle FMR jusqu’aux bars essentiels pour la bonne marche du service comme le Ravelin ou par les groupes. L’ouvrage permet aussi de mettre un formidable coup de projecteur sur une esthétique rock bien particulière avec son réseau rarement mis en lumière et pourtant haut en couleurs et hyper actif. Au-delà ça, Gildas qui n’a jamais tiré la couverture à lui tenait à ce que tous les gens qui ont collaboré avec lui un moment ou à un autre participent au livre d’une façon ou d’une autre (par leurs témoignages ou en apparaissant sur les photos) et donc, on retrouve sa garde rapprochée et notamment Antoine « Tatane » Madrigal, Sylvain Coulon, Youn ou Lo’ Spider. Sans oublier sa compagne qui a beaucoup œuvré dans l’ombre pour Dig It !, Marie-Noëlle Le Guen, partie le rejoindre en août 2020, suite à une longue maladie. Gildas a emporté avec lui l’émission radio et le fanzine Dig It ! au paradis sonique, et c’est très bien ainsi.
Ces confessions qui transpirent la passion du rock’n’roll méritent d’être lues par tous les fans de rock au sens large, l’histoire sort de l’ordinaire. Tous ceux qui ont collaboré avec Gildas savent pertinemment que de là où il est, il garde un œil bienveillant sur ce qu’ils font et il les encourage fortement à entretenir la flamme.
Gildas Cospérec Confessions of a Garage Cat Les Musicophages
(445 p., 22 €)
J’ai eu le plaisir d’animer une émission radio des Bébés Dinosaures sur Canal Sud en duo en l’absence du Commandant Sylvain et de Tommy Boy. Je confirme qu’il avait un sens de l’humour extraordinaire. Repose en paix.