Harry Crews « Péquenots »

Nous ne connaissions pas toute cette partie de l’œuvre d’Harry Crews, ses articles publiés de 1974 à 1977 dans Playboy et Esquire. Comment pouvions-nous vivre dans l’ignorance ? Ces articles sont admirables.

Allia avait pourtant déjà publié l’excellent Descente à Valdez en 2016, un article de Playboy datant de 1975 et qui est également au sommaire original du recueil Blood & Grits enfin traduit ici sous le titre Péquenots. Finitude a délibérément exclu Descente à Valdez puisque déjà publié. Grits est un terme donné par Crews pour qualifier les ploucs du sud, les freaks et tous ceux qui ont généralement un pet au casque, un mot traduit ici par Péquenots pour ne pas dire freaks justement, ça n’aurait aucun sens de traduire un mot anglais par un autre mot anglais, conviens-en. Les seize papiers regroupés mettent en scène des drôles de zèbres du sud des Etats-Unis. Mais Harry Crews se raconte aussi à travers ces différentes histoires où certains personnages ressemblent étrangement à ceux de ses romans. On peut même imaginé qu’ils les ont inspirés. Il nous parle d’un jeune gars, tout juste la trentaine, qui réclame une vasectomie pour être sûr de ne plus procréer. Crews nous raconte sa balade dans les Appalaches avec ses amis. Ils tombent sur un farfelu qui les emmène sur une voie ferrée où un éléphant a été pendu. Il revient sur la période où il était assistant d’un couple de freaks dans un cirque ambulant. On fait la connaissance d’un de ses potes, une armoire à glace qu’il vaut mieux ne pas croiser quand il est de mauvais poil. L’article le plus retentissant est sa rencontre avec Charles Bronson qu’il va interviewer sur un tournage. On découvre un acteur surprenant, enfermé dans sa bulle, isolé sur le plateau, concentré et prêt à tout lâcher au mot “action”. Ce qui est passionnant dans cet article, c’est de voir combien Harry Crews se voit dans Charles Bronson, à se demander si sa description de l’acteur n’est pas en partie la sienne. Le mimétisme pousse même Harry Crews et Charles Bronson à avoir des gueules cassées assez ressemblantes. On redécouvre Robert Blake, le comédien qui interprétait l’inspecteur Baretta dans la série du même nom.
Bref, ce recueil est du grand Harry Crews après la traduction de trois romans plus que moyens publiés chez Sonatine. Si Gallimard ne les a pas sortis à l’époque ceux-là, c’est qu’il y avait une bonne raison. On retrouve le franc-parler d’Harry Crews, c’est droit au but, direct, cru, sauvage, sans chichis, mais toujours avec beaucoup de pudeur, on n’est jamais vraiment dans le white-trash comme peuvent l’être certains de ses disciples comme l’excellentissime Donald Ray Pollock, mais c’est parfois pire tellement ses témoignages sont réalistes, là plus que jamais puisque ce ne sont pas des fictions, mais des instants de vie.

Les fans d’Harry Crews retrouvent à travers nombre de ses articles, des histoires et des personnages qui renvoient aux romans de cet immense auteur qu’il faut lire et relire et rerelire à tout prix.

Harry Crews Péquenots Finitude
305 p., 23 €

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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