Leonard Cohen « Popular Problems »

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Chez bon nombre d’artistes d’âge canonique plane le syndrome American RecordingsJohnny Cash cravaché par Rick Rubin — comme pour mieux relancer leur carrière ou la conclure sur une note bleue. On a vu Solomon Burke, Rocky Erickson, Leon Russell, Elton John et quelques autres en passer par là pour se fendre de productions épurées et cristallines, comme si, d’un coup, on faisait abstraction de la partie technique qui a fini par prendre le pas sur la chanson avec les progrès technologiques.
Ce style de production qui consiste à s’effacer au bénéfice de la chanson est la dernière révolution musicale à ce jour. Une prouesse qui fait de Rick Rubin le dernier sorcier en date. Pour les American Recordings, il a procédé comme Steve Albini avec une autre approche philosophique.

Si par quelque invraisemblable hasard tu arrivais d’une planète lointaine, en entendant le nouveau Leonard Cohen, tu pourrais objecter que Popular Problems a lui-même contracté le virus de la production simplifiée (en apparence). Seulement, Cohen n’a pas attendu les American Recordings pour faire dans la sobriété. Il a toujours été comme ça. Il mise tout sur son spectre vocal, d’une largeur et d’une profondeur démesurées. Chez Cohen, c’est tout en souplesse, dans le moelleux, le soyeux. L’album débute sur “Slow” par ces mots « I’m slowing down the tune, I never liked it fast ». Tu m’étonnes John…

Il faut prendre en compte la dimension œcuménique et spirituelle chez Cohen, devenu moine bouddhiste. Mettons de côté les jolis textes qui sont tout sauf mielleux et sages et qui serviront une fois encore de carburant à Nick Cave, la musique est elle un peu plus “enjouée” tout en conservant la ligne et en restant sobre. On retrouve le ton grave et solennel à la Johnny Cash avec un côté dépravé à la Tom Waits qui affleure comme les séquelles d’un passé agité et les cicatrices d’une vie mouvementée.
Le nouvel album de Leonard Cohen est un classique, tout bonnement. Après avoir déclenché des vocations chez Elliott Smith ou Nick Cave, Cohen permettra-t-il l’éclosion d’un nouveau talent avec Popular Problems ?
Si vous voulez savoir à quoi ressemblera un bon album de Nick Cave aux alentours de 2030 / 2040, il suffit d’écouter Popular Problems pour avoir une petite idée.

Leonard Cohen Popular Problems Columbia
Site officiel de Leonard Cohen et de Columbia Records.

TRACKLIST:

Slow
Almost Like The Blues
Samson In New Orleans
A Street
Did I Ever Love You
My Oh My
Nevermind
Born In Chains
You Got Me Singing



Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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