Nineteen, anthologie d’un fanzine rock !

Nineteen: Anthologie d'un fanzine rock

Le punk avait ouvert les chakras, libéré les énergies. Le milieu underground se structurait, avec divers courants, diverses tendances, diverses écoles qui, malgré les chamailleries de chapelles, évoluaient en synergie. D’un côté, c’était le gavage des ouailles à la purge variété-post-disco-new-wave de masse et, de l’autre, les enfants des 60’s, les héritiers du Velvet / Stooges / MC5 / Flamin’ Groovies / New York Dolls / Radio Birdman et la nouvelle scène punk hardcore aux USA. Tous ces courants naviguaient dans l’ombre. En France, seuls les fanzines et les radios libres relayaient l’info, seuls médias fiables.

Parmi tous, Nineteen connut un tel succès avec des sommaires en béton que ses instigateurs, Antoine Tatane Madrigal, Benoît Bens Binet — devenus Armadillo, disquaire toulousain historique — et Monique Sabatier, franchirent le pas pour tenter l’aventure en kiosque… C’était un peu présomptueux. Ça a tenu trois numéros mensuels avant de revenir à une formule plus “modeste”. Nineteen était LA référence dans le monde de la presse rock en France !
L’anthologie reprend de nombreux papiers, alternant articles de fond et interviews, consacrés aux Byrds, Love, MC5, The Sonics, Sky Saxon, The Chocolate Watch Band, The Flamin’ Groovies, Syd Barrett, Elliott Murphy, Alex Chilton, The Replacements, The Cramps, The Gun Club, R.E.M., The Plimsouls, The Fleshtones, X, The Dream Syndicate, The Barracudas, The Soft Boys, The Undertones, Wilko Johnson, Dr Feelgood, The Prisoners, The Milkshakes, Nikki Sudden, Radio Birdman, The Saints, The Sunnyboys, Died Pretty, The Scientists, The Nomads ou, bien évidemment, les Dogs auxquels Nineteen a emprunté le titre d’une chanson comme nom de baptême. Un cahier photos illustre le livre. Le menu reflète l’esprit militant et indépendant d’une équipe passionnée par une musique à forte consonance rock’n’roll. La ligne éditoriale est garantie 24 carats, pièce et main-d’œuvre. Les rédacteurs livrent des articles passionnants et fouillés : Antoine Madrigal, Monique Sabatier, Benoit Binet, Jean-Luc Manet, Stéphane Saunier, Alain Feydri, Gildas Cosperec, Sophie Dutertre, Karl Madrigal, Anne Kervella, Christian Larrede, José Ruiz, Shell Scott, Dominique Saillard, Fred Mills, Erick Weber, Jim Dickson (Barracudas, New Christs, Radio Birdman) ou Eric Tandy (Olivensteins). On tombe sur des propos surprenants comme Paul Westerberg qui avoue être fan d’Elton John — petit message subliminal à destination des sourds d’oreille — ou Peter Buck (R.E.M.) qui déclare au détour d’une longue interview avoir découvert un excellent groupe français qui a fait leur première partie, les Fixed Up du Havre.

Il y a longtemps que je n’ai pas ouvert un numéro de Nineteen ou un de ses indispensables compléments Going Loco dont celui — # 27, avril 1988 — qui annonce la fin du magazine. Relire ces articles procure un plaisir intact et une excellente remise à niveau.
Nineteen, notre Mojo à nous !

Nineteen, Anthologie d’un fanzine rock (1982-1988)
Sous la direction d’Antoine Madrigal
(430 p., 25 €) (Les Fondeurs de Briques)

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.