Rencontre avec les Limiñanas, les Perpignanais qui n’en finissent plus de monter!

The Liminanas © Villa Gianni
Lionel Limiñana a dû avoir plusieurs vies. C’est la seule explication. Il a eu les Beach Bitches dans les années 90, puis, plus tard, les Bellas; Entre temps, le Perpignanais autant passionné de musique que de 7ème art, s’est improvisé disquaire et boss de label, avant de trouver la reconnaissance aux côtés de sa femme, Marie, avec leurs chansons home made dans leur maison de Cabestany. The Limiñanas voit le jour. Depuis, le succès du groupe a été croissant, en France comme à l’étranger. Présentation et historique du groupe avec le principal intéressé.
Puisque le personnel semble changer à chacune de vos sorties, commençons par vous présenter: Qui sont les Limiñanas?

Lionel Limiñanas: Les Limiñanas c’est Marie Limiñana, ma femme, et moi. On bricole nos disques tous les deux à la maison. Nous sommes le contraire d’un collectif. Comme tu le disais il y a eu beaucoup de formations live. En ce moment, nous jouons avec les merveilleux: Ivan Telefunken (guitare, orgue, percussion), Nika Leeflang (chant), Mickey Malaga (basse), Alban Barate (guitare, orgue, cœur), Julien Chateau (son live) et Arno Pinchon (tour-man).

Lionel, pourrais-tu raconter l’origine du groupe, et pourquoi, selon toi, les Limiñanas suscitent-ils plus d’intérêt que tes précédentes formations?

On est actif dans la scène garage depuis le lycée. On a eu des groupes, organisé des concerts, monté des magasins de disques, un petit label, etc. En 2009 on a enregistré deux titres Marie et moi. « Migas 2000 », (la véritable recette des migas) et « I’m Dead ». On a commencé à bosser avec Hozac records et Trouble in Mind a Chicago. Depuis, on a monté plusieurs versions «live» du groupe et on continue d’enregistrer de la même façon. Je ne sais pas réellement pourquoi ça marche mieux que les Beach Bitches ou les Bellas. Je crois que ça cherche moins à sonner comme nos idoles américaine ou anglaise. Je crois aussi que le fait d enregistrer nous-même et de jouer – pas toujours très bien- de tous les instruments ou presque, participe d’un son qui est particulier, bricolé.

Comme tu l’as dit, vous avez sorti un album chez HoZac et deux sur Trouble In Mind, était-ce un choix de votre part de signer avec des labels américains plutôt qu’avec un label français?

Non, c’est simplement que les choses se sont faite comme ça. Mais je rêvais de faire des disques aux États-Unis depuis toujours. C’est là que sont les labels et les groupes que j’admire le plus. En ce qui concerne la France, c’était juste un problème de rencontre. On attendait de croiser des gens avec qui le courant passerait bien. Et on a rencontré Because en travaillant avec Pascal Comelade. On est très content de bosser avec eux.

Comment étiez-vous accueillis par le public américain? Vous trouvait-il exotique? Établissait-il un parallèle avec Gainsbourg?

Les Américains connaissent très bien la culture française, ses codes, l’esthétique, la musique produite par des labels comme Vogue dans les années soixante. ils connaissent le cinéma français, Belmondo, Alain Delon, Jean Gabin. Donc, chez Trouble In Mind (avec les Paperhead en particulier) avant de me parler de Gainsbourg, ils m’ont parlé de Godard, des romantiques français, de Truffaut…Bill de Trouble In Mind m’a fait découvrir des pépites psyché françaises dont je n’avais jamais entendues parler.

A l’époque, vos disques ne suscitaient pas plus d’engouement que ça auprès des labels d’ici, et aujourd’hui, il semble que ce soit tout l’inverse… Avez-vous idée du pourquoi de cet intérêt tardif?

C’est de notre faute! Je n’ai jamais démarché un label français ou envoyé un disque promo à un media. En dehors de Dig It!, qui chronique tout ce que l’on fait depuis les Beach Bitches. Du coup on n’avait pas tellement de retours. Par contre, depuis le début, des radios indé’ locales ou nationales comme Oüi FM ou France Inter passent nos disques et nous invitent a jouer live. Rock and Folk et Les Inrocks ont fait des papiers sur nous depuis le deuxième LP.

The Limiñanas @ l'UBU/Loewen

Photo: Loewen ©

Lionel, c’est toi qui « chante » sur une bonne partie des morceaux sur disque, pourquoi ne pas le faire sur scène?

Parce que je ne suis pas a l’aise avec ça. Par timidité aussi. Je préfère jouer de la guitare.

J’ai trouvé que vos prestations live apportaient un son beaucoup plus Rock ‘n’ Roll, les titres m’ont paru plus sauvages que sur disque. Pourquoi ce décalage?

On n’avait pas envie que le concert soit une copie du disque. On enregistre les albums en autarcie, Marie et moi. Quand le mix est fini on l’écoute avec le groupe et on commence à l’arranger pour la scène. Tout ce qu’on fait est basé sur le riff et la répétition. Ça t’ouvre des tas de possibilités pour le live. Les groupes dans lesquels nous jouions dans le passé avaient ce côté-là. Les montées de fuzz, la sauvagerie sixties. On se sert beaucoup de ce que l’on faisait live avec les Beach Bitches ou les Bellas.

Qui écrit les textes dans le groupe? Comment se passe la composition d’un morceau?

On a un petit studio, on enregistre des démos tout le temps. Cette base de morceau est là. On écoute et on structure les disques petit à petit. On enregistre jamais live ensemble Marie et moi. Tout se fait en re-re, piste par piste. La batterie par exemple est enregistrée en dernier. J’écris les textes. Mon frère Serge aussi.

Le chant est souvent en français, parfois en anglais et d’autres fois en italien. Pourquoi différentes langues? Vous avez déjà une idée de la personne qui doit chanter telle ou telle chanson dès l’écriture? Ou cela se fait un peu au hasard des rencontres?

Le choix de la langue se fait instinctivement, en fonction du son, du riff. Pour les interprètes, cela dépend. On fait la majorité du boulot Marie et moi. On continue de bosser souvent avec Guillaume qui était le chanteur des Beach Bitches et des Bellas. Mais on invite aussi des gens qui ne sont pas forcément des chanteurs ou des chanteuses. Des gens que l’on rencontre au boulot par exemple, dans une soirée, des potes.

Jusqu’à cette année, vous tourniez finalement assez peu en France, à quoi cela est dû?

On était sollicités par des clubs en Hollande, en Allemagne, en Angleterre, mais pratiquement jamais en France. Ensuite, il y a le problème de la légalité. Quand tu dois jouer en France en respectant les règles, un musicien coûte cher et c’est difficile de faire jouer un groupe de 6 ou 7 musiciens en payant tout le monde quand on ne te connait pas. C’est aussi très risqué pour l’asso’ ou le club qui t’embauche.

Dans tous les articles consacrés au groupe, on cite toujours les mêmes influences (à savoir Gainsbourg et le Velvet Underground). Déjà, est-ce que vous les revendiquez vraiment comme des influences majeures et, quels autres groupes/artistes ont pu jouer un rôle important dans l’identité du groupe?

La musique que l’on préfère est la même que celle que l’on écoutait quand nous étions adolescents. En gros, la musique primitive américaine sixties, celles de Back From the Grave¹ et des Pebbles². Mais aussi le freakbeat anglais, Suicide, les deux premiers albums des Stooges, le live du MC5, le psychédélisme américain, les 13th Floor Elevator, le revival garage et Rock and Roll 80’s, Les Cramps en priorité, mais aussi les Fleshtones que l’on aime beaucoup et à qui on a piqué plein d’arrangement, dans des morceaux comme « The Dreg » ou « American Beat » par exemple. Et des gens comme Nick Cave depuis un bon petit moment. Dans les Français, le Gainsbourg d’avant Gainsbarre, Dutronc et Ronnie Bird, Polnareff et aujourd’hui, J.C. Satàn et Charlotte Gainsbourg.

Vous semblez également beaucoup influencés par le cinéma français, anglophone ou italien des années 60, je me trompe? (Si oui, pourrais-tu me citer des exemples de longs-métrages qui ont façonné votre amour du 7ème art)

On aime plein de choses et là aussi, beaucoup de films de notre enfance et de notre adolescence. Nos films de chevet sont : Les dents de la mer (1975, Steven Spielberg), L’Empire contre-attaque (1980, Irvin Kershner), Conan le Barbare (1982, John Milius), American College (1978, John Landis), Ne nous fâchons pas (1966, Georges Lautner), Les Monstres (1963, Dino Risi), Le Lauréat (1968, Mike Nichols), Il était une fois dans l’ouest (1968, Sergio Leone), Il était une fois en Amérique (1984, Sergio Leone), A bout de souffle (1960, Jean-Luc Godard), L’aventure c’est l’aventure (1972, Claude Lelouch), Le fanfaron (1962, Dino Risi), L’argent de la vieille (1972, Luigi Comencini), Les vieux de la vieille (1960, Gilles Grangier), Un après-midi de chien (1976, Sidney Lumet), Massacre à la tronçonneuse (1974, Tobe Hooper)…il y en a des tonnes…La comédie italienne, les classiques de l’horreur et du fantastique américains, la comédie française des années 60 & 70…

Tu mentionnais tout à l’heure Pascal Comelade, j’imagine que votre rencontre ne date pas d’hier. Peux-tu m’en dire un peu plus sur vos différentes collaborations?

Je suis allé enregistrer chez Pascal pour son album A freak sérénade (2009, Because Music) et la musique d’un ballet de danse contemporaine sur laquelle il travaillait. Ensuite, Pascal a enregistré une version de « I’m Dead » avec nous pour Crystal Anis (2012, Hozac). Avec Marie, on l’a accompagné pour un concert au musée d’art moderne de Ceret. Depuis, on travaille ensemble régulièrement et surtout, nous sommes devenus amis. (Les Limiñanas et Pascal Comelade ont également sorti l’album Traité de guitarres triolectiques (à l’usage des portugaises ensablées) en 2015 chez Because Music, NDLR).

J’ai d’ailleurs entendu parler d’un projet du nom de Rififi

Oui, c’est sorti sur un petit label barcelonais, ça s’appelle la Metropolitan del riff. C’est un projet de Pascal Comelade. Tous les plus grands riffs du Rock ‘n’ Roll enchainés et joués par plusieurs guitaristes.

Sur Malamore, c’est Peter Hook qui collabore avec vous. Tu peux m’en dire un peu plus sur cet invité prestigieux? J’imagine que c’est un peu un rêve de gosse qui se réalise…

On lui a envoyé la démo du titre qui était une espèce de ballade acoustique. Il a enregistré ses lignes de basse et des chœurs. Peter Hook a un style de basse très particulier et la chanson a changé complètement de couleur. Oui, c’était un rêve de gosse, les disques de Joy Division et les premier New Order tournaient déjà sur la platine familiale quand j’étais môme.

Vous avez prévu d’autres collaborations? J’ai entendu parler d’Anton Newcombe (Brian Jonestown Massacre) et d’Andrew Weatherall

Il y a un remix d’Andrew Weatherall de « Garden of Love » qui va sortir en Maxi 45t chez Because en septembre. Et j’ai déjà un titre inédit avec Anton Newcombe, on va voir si on peut en faire d’autres ensemble. Pour un single ou un mini LP. Je pourrai t’en dire plus dans quelques semaines.

Lionel, tu es toi-même ancien disquaire, donc, j’imagine que tu as chez toi une belle collection de disques, quel amateur de musique es-tu?

Pendant très longtemps, on partait en vacances uniquement dans des villes ou on était sûr de pouvoir trouver un disquaire. On s’est calmé là-dessus, on achète moins de disques qu’avant. On cherche pas forcément à avoir les éditions originales. On chope des disques n’importe où, dans les vide-greniers, les brocantes, évidemment chez les indés’. On achète 90 % de fond de cata’.

Y’a t-il des groupes ou artistes actuels qui vous parlent? Des coups de cœur récents?

On est fan des J.C. Satàn en France, et de tout ce que sort Nick Cave depuis longtemps. Sinon, la plupart du temps, on écoute du garage américain des années soixante, des B.O. de film, des 45t punk et soul. Les deux disques qui tournent le plus sur notre platine ces jours-ci sont le Village Green des Kinks et le 45 tours de « Soyrebelde » de Jeanette et le « Bring a Little Lovin » de Los Bravos.

Votre façon de procéder fait immanquablement penser aux Cramps. Et tout comme eux, vous arrivez à contre-courant de la tendance du moment. Assumes-tu le parallèle ou penses-tu que c’est un peu présomptueux?

On est très flattés mais c’est effectivement très présomptueux! Mais oui, on n’a jamais cherché à suivre le sens que le courant prenait, il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans. Les tendances actuelles sont tellement vides et ennuyeuses. Et on serait bien incapable de toute façon.

¹: Back from the Grave est une série de compilation de Rock ‘n’ Roll/Garage créé par Tim Warren et sorti sur son label (Crypt Records) entre 1983 et 2015. Elle compte à ce jour 10 volumes.
²: Tout aussi mythique que Back from the Grave, les compil’ Pebbles ont vu le jour pour la première fois en 1978. On y retrouve des groupes de Garage/Rock des 60’s, essentiellement américains. Au total, 28 volumes existent, sortis pour la plupart chez AIP Records.
Photo de couverture: Villa Gianni ©
Photo en tête d’article: Thierry Gracia ©
Photo live (à l’Ubu de Rennes): Loewen ©

Critiques de la compil’ (I’ve Got) Trouble in Mind (2014, Trouble in Mind)
et de l’album Malamore (2016, Because Music)

7 inches and rare stuff   Malamore


Les Limiñanas en tournée à la rentrée

Les Limiñanas en concert à La Cigale

Mais aussi…
Le 15 septembre à St. Jean de Vedas à Victoire 2,
le 17 septembre à Angers au festival Levitation France,
le 22 octobre au festival Les Bulles Sonores,
le 28 octobre à La Belle Électrique à Grenoble,
le 2 novembre à La Citrouille à Saint Brieuc,
le 3 novembre au Temps Machine de Tours,
le 4 novembre à La Nef d’Angoulême,
et enfin le 12 à Perpignan au Théâtre de l’Archipel.

Stéphane Pinguet

Disquaire indépendant aigri mais passionné, amateur de musique, cinéma, littérature et bandes dessinées en tous genres.

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