The Polyversal Souls « Invisible Joy »

Invisible Joy

2015 est déjà finie, (tant mieux diront certains) que les regards sont déjà tournés vers 2016. Un disque illumine toujours mes longues soirées d’hiver et étanche ma soif de funk et de lumière. Ce disque, sorti à l’automne 2015 est le premier album du collectif Polyversal Souls. Invisible Joy, est enfin arrivé il y a quelques semaines, dans sa superbe pochette gatefold, dans un fameux repère de brigands clermontois, dont certains sont les moteurs et les piliers de Slow Show. Chronique en forme de séance de rattrapage, pour un sérieux client qui aura fini dans notre top 10 de fin d’année, pour le navire Slow Show.

A la croisée du Jazz, de la soul, du funk et du rhythm and blues, ils sont de plus en plus nombreux à revendiquer les héritages conjugués de Sun Ra, James Brown, Fela Kuti, Miles Davis et Mulatu Astatke. Je pourrais citer les incroyables Heliocentrics, le fameux Budos Band, les incroyables Antibalas, la nébuleuse Woima Collective ou encore The Poets Of Rythm et The Whitefield Brothers. Derrière ces deux derniers groupes, et d’ailleurs pas très loin de tous les autres, un certain Max Whitefield, un musicien hors-pair et un compositeur de talent, un vrai couteau suisse du groove aussi à l’aise derrière une batterie que derrière un clavier, qui n’aurait pas volé sa place dans le fameux « band » maison de la Stax, The MG’s. Le monsieur, de son vrai nom Max Weissenfeld est basé à Berlin, où il pilote depuis 2013, son propre label, Philophon. Vous sentez que je me rapproche. En effet, comme tout musicien de sa trempe, Max W. n’est jamais à court d’idées. Comme une forme de rêve éveillé, il a formé ou plutôt déclenché l’aventure Polyversal Souls. A l’instar de Swindle, dont je vous vantais dans cette même colonne les vertus de son excellent Peace, Love & Music, la musique se pense comme un projet qui se moque des frontières. Le casting de Invisble Joy est impressionnant et cosmopolite, mais pas  au sens rubrique « people ». On est très loin des albums de feat’ façon Major Lazer. Pourtant porté par les flamboyants, Bam des Jungle Brothers, Guy One, le ghanéen ou encore le prince de l’Ethio-Jazz Hailu Mergia : chaque morceau est avant tout une belle occasion de réunir l’énergie de musiciens berlinois avec celles de formidables talents de passage. Des complicités de longues dates, des rencontres autant humaines qu’artistiques, des coups de cœurs de l’instant ont motivé ce plaisir palpable de jouer ensemble. Un peu comme dans l’excellente série tv Treme (de David Simon et Eric Overmyer) où les groupes de Rhythm and Blues de la Nouvelle-Orléans se font et se défont au hasard des opportunités et des jam-sessions. L’essentiel étant de savoir compter jusqu’à 4 et d’être habité par l’esprit de la grande musique « black ». En américain, pour définir ce feeling qui parle aussi bien au corps qu’à l’esprit, on balance du « raw », du « deep », du « hot »,  du « rough »…

Les sillons du vinyle sont ainsi parcourus par un vent de fraîcheur et de spontanéité. Invisible Joy est ainsi une succession de petits bonheurs sonores, qui méritent tout de même plusieurs écoutes pour se révéler. Certains d’entre vous pourraient d’ailleurs passer à côté de ce disque, qui manque peut-être parfois un peu d’ambition. Mais l’intention est d’abord musicale avant d’être sensationnelle. Il suffit juste d’ouvrir ses oreilles et de se laisser porter. Les grands disques sont parfois discrets et modestes. Autre argument de poids: peu de disques peuvent se vanter de rendre hommage dans la même vibe, à plusieurs figures de la fierté afro-américaine, comme Sun Ra et Duke Ellington. L’hommage est un exercice périlleux, dont les travers peuvent virer à l’indigeste ou au grotesque. Il est par contre, une réussite quand c’est le cœur qui parle. Le Blues, le Funk,  la Soul, l’Afro-Beat, le Highlife, le Reggae sont les parties émergées d’une seule et même grande famille, ce n’est pas une nouveauté. Que ce disque soit tourné vers le grand continent africain, n’est donc pas une question. A ceux qui fuient dès que s’approche le mot « World », je vous rassure, ici le propos n’a pas la saveur néo-colonialiste ou exotique de certaines rééditions et collections, consacrées à l’immensité des courants passés et présents de la musique du continent africain. Invisible Joy vibre avec son temps, un temps présent, porteur d’espoir et de paix, qui n’oublie jamais l’histoire qui est la sienne.

The Polyversal Souls Invisible Joy Philophon
Site web de Philophon
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TRACKLIST:

Face A

le Be Bobre feat. Guy One

Starlet Road Filling Station Romance

Face B

Momaminka feat. Roy X & Lady Red Red
Sad Nile feat. Hailu Mergia
Love In Outer Space

Face C

Asembi Ara Amba feat. Y-Bayani
Race
Goin’ In feat. Afrika Baby Bam

Face D

Dunia Dela Da’a feat. Ana’abugre
Invisible Joy





Laurent Thore

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