« Wild », le rôle à Oscar de Reese Witherspoon

wild final
Adaptation du roman autobiographique de Cheryl Strayed, Wild raconte le parcours d’une jeune Américaine qui, ayant sombré dans toutes sortes d’addictions après la mort de sa mère, décide de se lancer dans une randonnée de plus de 4000 km dans l’Ouest des États­-Unis, de la frontière mexicaine à celle du Canada. Son but : redonner un sens à sa vie et redevenir la femme que sa mère voyait en elle. Rien de moins.

Au premier abord, le pitch fait un peu peur et on imagine facilement une mauvaise blague initiatique entre Into The Wild et Mange, Prie, Aime : un film sur la rédemption plein de bons sentiments, un retour à la nature salvateur censé nous laver de tous nos péchés.
C’était sans compter sur le trio magique à l’origine du projet : l’actrice et productrice Reese Witherspoon, le réalisateur Jean­-Marc Vallée et le scénariste Nick Hornby. La première, figure féministe discrète mais tenace de l’entertainment US depuis le sous­-estimé La Revanche d’une Blonde (2001), a monté sa propre boîte de production et porté le projet à bout de bras depuis ses débuts. Dévouée corps et âme à cette histoire très girl power, elle livre une interprétation toute en finesse et dessine un portrait de femme que l’on a peu l’habitude de voir au cinéma : une héroïne seule et forte, qui ne recherche pas le bonheur dans l’amour d’un homme, une vie de famille ou la réussite professionnelle, simplement dans l’estime qu’elle a d’elle­-même. Witherspoon était l’actrice idéale pour faire passer ce message certes convenu, mais toujours encourageant : tout le monde peut décider de changer… et y parvenir (sinon c’est moins cool).
La Canadien Jean­-Marc Vallée, quant à lui, a toujours aimé les personnalités en marge de la société et les performances d’acteurs, de la révélation Marc­-André Grondin dans C.R.A.Z.Y (2005) à la résurrection Matthew McConaughey dans Dallas Buyers Club (2014). Il fait preuve ici d’une grande subtilité dans la narration et le montage, maniant parfaitement l’art du flash­back, procédé parfois factice qui nous permet ici de découvrir des sensations ou des souvenirs bien réels de l’héroïne et de la connaître petit à petit au fil de son voyage. Il a compris qu’il ne fallait pas donner toutes les clés dès le départ au spectateur, mais plutôt le laisser tâtonner avec la jeune femme et comprendre progressivement quels sont les enjeux de ce périple désespéré.
Enfin, c’est surtout la plume inimitable de l’écrivain anglais Nick Hornby qui permet au film de ne pas céder à la facilité et de se démarquer de la forêt gigantesque que constituent les récits initiatiques. Auteur des best­ sellers Haute Fidélité (1995, 10/18) et A Propos d’un Gamin ( (1998, 10/18), et scénariste d’Une Éducation (2009), il sait injecter son humour british, sa distance amusée et sa passion pour la musique indé’ dans à peu près tout ce qu’il touche. Un morceau de Bruce Springsteen comme madeleine de Proust, une danse mère­/fille improvisée dans la cuisine, un couple d’agriculteurs faussement bourrus : la Hornby’s touch est dans chaque recoin du film et c’est elle qui le fait définitivement décoller.

La réussite de ce film modeste réside donc dans la réunion de trois talents autour d’une même vision artistique cohérente. Il est beau et rassurant de constater qu’il existe encore des artistes convaincus, sensibles et exigeants, capables d’imposer leurs idées et de renouveler le genre du cinéma indé américain, qui peine aujourd’hui à exister face à la suprématie croissante des franchises.

Wild de Jean-Marc Vallée
avec Reese Witherspoon, Gaby Hoffman et Laura Dern.
Scénario de Nick Hornby, adapté de l’auto-biographie de Cheryl Strayed (Le Livre de Poche)


Julia Rivière

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