Le nom de Daniel Treacy ne vous évoque probablement pas grand-chose à moins que vous n’ayez la gueule ferrée à la pop anglaise des années 80. Dan Treacy était le leader des Television Personalities qui sont apparus à l’écran en 1977 et qui œuvraient encore il n’y a pas si longtemps. Le portrait que nous en fait le biographe avec une acuité toute britannique est en tout point remarquable.
Daniel Treacy est né à Londres en 1960. Plus Britannique et plus Londonien que lui, tu es Grand Chambellan à Westminster. On dirait un intrigant second rôle de Chapeau Melon & Bottes de Cuir ou du Prisonnier. Ses modèles sont des icônes d’une fragilité extrême qui, taraudées par des troubles de tout ordre, sont restées dans l’ombre, confinées non pas dans l’anonymat mais dans une discrétion monastique. Avoir Syd Barrett, Nick Drake ou Daniel Johnston comme références n’incite pas à parader avec un nez rouge pour amuser la galerie. « Aucun spectateur n’était capable à cet instant de voir que Daniel Treacy était peut-être le Syd Barrett de sa génération, un enfant perdu, poétique et capable de composer une chanson mémorable avec deux bouts de ficelle. » Benjamin Berton nous présente un personnage mélancolique et romantique, un garçon né dix ans trop tard pour pleinement profiter des sixties. L’auteur s’est abstenu de trop évoquer la vie privée de Dan Treacy, par pudeur et par respect. Il l’aborde quand elle impacte sa carrière d’artiste uniquement. « … la vie de Daniel Treacy n’est-elle pas à l’image de son œuvre, modeste, tragi-comique en même temps qu’anti-spectaculaire. » Décidément, les gens ordinaires sont extraordinaires.
N’ayant jamais été très réceptif aux sonorités de Television Personalities même s’il m’arrivait d’écouter par curiosité dans les années 80 parce qu’on croisait régulièrement le nom dans les fanzines, j’ai dévoré ce livre avec gourmandise. Benjamin Berton signe une biographie qui fait référence. Il s’est attaché à rencontrer et interviewer les proches de Daniel Treacy afin de recomposer son histoire pour un récit à la façon de John King ou Irvine Welsh, en restituant la conjoncture sociale typiquement britannique. Très vite, la structure biographique de l’ouvrage s’efface au profit de la remarquable plume de l’auteur (prix Goncourt du premier roman en 2000 avec Sauvageons). On entend à voix haute ses références musicales et littéraires, solidement britanniques. « Daniel traverse parfois la ville en scooter lové contre le dos solide et amical de l’un des siens. Il aime la vitesse et sentir le vent qui lui fait pleurer les yeux. Il voit les rues de Londres qui défilent et s’enivre des plaisirs de la ville. Londres est un théâtre de jolies femmes et d’extravagance. C’est un musée à ciel ouvert où l’air respire la modernité et la jeunesse. Daniel aime les lumières et il aime les couleurs grises qui font briller la pluie. La réalité ressemble à un film. Lorsqu’il reconnaît, dans la rue, le visage et les pas d’une personne connue, il a l’impression que c’est le monde entier qui est célèbre. » Le livre inclut un très joli cahier photos central qui permet de visualiser le visage méconnu de Daniel Treacy ainsi que son univers.
Dreamworld est la première référence du Boulon, nouvel éditeur spécialisé dans la musique anglo-saxonne.
Benjamin Berton Dreamworld ou la vie fabuleuse de Daniel Treacy Le Boulon
303 pages, 21 €
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