Après les Tastemakers, c’est au tour des Affirmations de devenir les complices du nouveau hold-up d’Hannah Williams.
Son premier délit A Hill Of Feathers sorti en 2012 sur le label italien, Record Kicks était intrinsèquement un disque Soul, Late Night & Heartbreak serait lui plus ouvertement Rhythm’n’Blues, puissant et énergique, lorgnant du côté du Funk (« Ain ‘t Enough ») et parfois même du jazz (« 7 AM to Seville »). Mais comme vous le savez déjà, le critique-rock est un grand fainéant, et pour faire court, je positionnerais ce disque sous l’étiquette à la mode du Deep Funk. Ainsi c’est en débauchant l’indispensable Malcom Catto des Heliocentrics (et oui, encore lui), qu’Hannah Williams a propulsé sa nouvelle bande de flibustiers dans la cour de récréation, aux côtés des Américains de The Budos Band (comment ne pas évoquer l’écurie Daptone Records?), des Australiens de Papa Chango ou des Belges de Black Flower entre autres. La jeune artiste s’est par conséquent (enfin) ouvert un terrain de jeu, à la mesure de son immense potentiel. Du côté de Brighton, la copine Alice Russell est d’ailleurs ravie, elle a de nouveau du répondant en face d’elle et va certainement vouloir revenir à ses premiers amours.
« Tame in the Weather » inaugure le bal, avec ses faux-airs Motown. Le groupe est méchamment en place mais semble en garder sous la pédale. Pourtant Hannah Williams ne tend pas vers l’économie et telle une débutante, elle donne énormément, à travers des intentions vocales, qui procurent déjà des frissons. « Late Nights & Heartbreak » alimente ainsi en quelque sorte, une session à l’ancienne qui prend forme sous nos yeux. The Affirmations ne sont plus simplement au service de sa diva, mais tous les musiciens font corps avec leur chanteuse dans un esprit complice, qui pourrait rendre jaloux la terre entière. Tous les voyants sont donc au vert (ou dans le rouge question température, à vous de choisir) pour plonger dans un moment savoureux, intense et jubilatoire. Dès le second titre « Dazed & Confused », le groupe ose et se met dans un (relatif) danger. Introduction submergée de réverbérations et empreinte de psychédélisme, le propos devient élégant, feutré et sensuel. Gainsbourg aurait apprécié, Jean-Claude Vannier est fier: sa vision artistique prémonitoire se déverse encore aujourd’hui avec bonheur dans de singulières productions, qui regarde le son du passé avec respect et amour. A peine le temps de souffler, que le tempo s’accélère (« Fighting Your Shadow »): direction la Nouvelle-Orléans, la section de cuivres est à la manœuvre et appuie là où cela fait du bien. Hannah Williams sait se faire oublier quand il faut, pour mieux ressurgir telle une lionne. Soudain le Breakbeat se présente, un Breakbeat à faire se damner les beatmakers en herbe, un tapis rouge se déroule devant notre « frontwoman ». A dire vrai, ce disque impressionne par la facilité déconcertante avec laquelle il expose son alléchant programme. Il se renouvelle en permanence sans oublier d’être intensément cohérent. L’attention portée au son (l’indéniable patte « Catto ») est ainsi d’une justesse de ton flagrante, précise et ambitieuse. De grands albums ressurgissent du passé comme King & Queen de Carla Thomas et Otis Redding (Stax, 1967) ou Aretha Now d’Aretha Franklin (Atlantic, 1968). La dynamique pourrait s’essouffler mais bien au contraire, animé par un batteur des grands jours, qui aurait pu sans problème remplacer au pied levé Al Jackson dans les MG’s, en la personne de Jai Widdowson-Jones, la musique décolle et vole très haut au dessus de la masse. Une preuve parmi d’autres, l’intro très Hip-Hop de « Ain’t Enough », séduit par sa simplicité rythmique et son groove tout bonnement diabolique. Voilà un formidable carton d’invitation pour un Dancefloor vintage et un indice de poids pour tous les selecters de 45t à l’ancienne.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, la reine Sharon Jones nous a malheureusement quittés mais là où elle se trouve, elle doit être tellement fière de voir que la musique black qu’elle défendait avec tant d’ardeur et de générosité, est aussi désormais l’affaire d’une jeune chanteuse anglaise, Hannah Williams, qui aurait semble t’il trouvé dans le groupe The Affirmations ses propres Dap-Kings. Or la vie continue et Late Nights & Heartbreak est sans conteste l’une de ses plus belles célébrations de l’année.
Hannah Williams & The Affirmations Late Nights & Heartbreaks Record Kicks/La Baleine
Site web d’Hannah Williams, de Record Kicks et de La Baleine.
TRACKLIST:
Side A
Tame in the Water
Dazed & Confused
Fighting Your Shadow
Woman Got Soul
Side B
Ain’t Enough
Fool
Late Nights & Heartbreak
Side C
In Your Arms
Still in my Head
Callin’ me Back
Side D
7AM to Seville
Another Sunrise
Your Luck Can Change
Également dispo’ en streaming intégral sur Bandcamp et Spotify.
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