Derrière un nom de groupe et une pochette de disque d’un autre âge, se cachent des notoriétés officiant d’habitude au sein des Monophonics. Les Californiens proposent une soul music instrumentale idéale pour le cinéma.
Les huit morceaux sont orchestrés à grand renfort de cordes pour mieux dégouliner dans le cornet. Les adeptes de la Stax n’y trouveront probablement pas leur compte. Alors que ceux de la Motown, du Philly Sound et même de la Blaxploitation devraient se régaler. Pour mes chastes oreilles, c’est le summum de l’élégance. Par moments, la section cordes apporte des reflets changeants à la Claude Debussy pour une musique cinématographique voisine de celle de Lalo Schifrin. On est bien loin des galops et des courses-poursuites dont Schifrin a le secret (Mannix, Starsky & Hutch, Dirty Harry ou Bullitt), on est plus dans le sirupeux, plus proche du Kid de Cincinnati, Luke la main froide ou Amityville, la maison du diable. On cherche vainement un thème fort parmi les titres en présence, une accroche qui pourrait inciter un producteur de cinéma à préempter Changing Light pour illustrer musicalement un film. Dans cet exercice, Isaac Hayes n’a pas vraiment plié le jeu avec Shaft puisque d’autres comme Schifrin, Elmer Bernstein, John Barry, Ennio Morricone, Maurice Jarre, Michel Magne, Jerry Goldsmith, Henry Mancini, Michel Legrand, Georges Delerue, Quincy Jones et quelques autres ont aussi largement fait le job, mais Hayes a quand même mis la barre à un tel niveau que l’exercice nécessite d’être fichtrement créatif pour relever le défi. Créatifs, les Ironsides le sont. S’ils n’ont pas de thème mémorable à faire valoir, ils proposent toutefois quelques jolies ritournelles qui retiennent l’attention. Sur les huit morceaux présents, seuls un ou deux font office de remplissage, comme un réalisateur en demandait au compositeur à l’époque où le cinéma et la télévision faisaient encore appel à eux. Aujourd’hui, le cinéma utilise des musiques déjà existantes et la télévision a son pool de compositeurs aux moyens bien rachitiques pour habiller les émissions et les séries qu’elle produit. Fini les grands orchestres. Il est rare qu’une musique aujourd’hui soit composée à partir d’un scénario ou même d’images. C’est généralement l’inverse qui se produit pour des raisons bassement économiques. Forcément, les thèmes ne s’ancrent pas dans l’imaginaire populaire comme ont pu marquer ceux de Shaft, Il était une fois dans l’ouest, Amicalement vôtre, Starsky & Hutch, Les mystères de l’ouest, L’homme de fer, Chapeau melon & bottes de cuir ou Les envahisseurs. Qu’à cela ne tienne. Les Ironsides pourraient bien changer la donne avec ce disque et inverser la tendance pour revenir à des intentions plus louables. Ils démontrent qu’ils détiennent un indéniable savoir-faire et un talent largement au-dessus des normales saisonnières. Voilà un album quasi parfait qui s’écoute en boucle sans lasser l’auditeur, je le sais, c’est ce qui est en train de se produire chez moi depuis quelques jours déjà, c’est dire…
The Ironsides Changing Light Colemine Records/Modulor
Face A
Changing Light
The Web
Ligurian Dream
A Return From Ashes
Face B
Shades Of Silver
Violet Vanished
Outlines
West Wind
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