Un top dix 2022.
Cinq millions d’entrées, un milliard de recettes pour un budget d’environ 250 millions, Avatar serait le film anomalie d’un cinéma qui peine à attirer le public. Lu et relu quelque part, voici le constat de cette année écoulée : la fréquentation est en baisse. Le mal est-il vraiment de notre époque ? Probablement pas. Les blockbusters ont toujours été les têtes de gondole d’un cinéma tout public qui « fait des entrées » ; les films d’auteur ont toujours été moins vus mais toujours défendus par des cinéphiles aguerris et en ayant vu d’autres… Sauf le prix d’une place de cinéma à plus de 15 euros justifiée par l’argument-massue de l’utilisation des nouvelles technologies (3D, Imax, 4dx…) qui pourtant ne garantissent en rien la qualité d’un film. Ça se saurait. Si, par procédé accumulatif, les films spectaculaires entendent bien en mettre plein la vue et les oreilles à leur public, faut-il en avoir pour son argent, je peux affirmer que les films vus cette année aux 400 coups* m’auront apporté au moins autant de joie pour trois fois moins.
En 2022, j’ai reçu un mail de l’ARCOM, descendant d’Hadopi, après avoir téléchargé The Batman. Le pirate que je suis officiellement devenu souhaiterais leur expliquer qu’entre mon abonnement aux Cahiers, à Mubi et la fréquentation de mon cinéma local indépendant, je prends part à l’économie du cinéma bien que je fasse perdre 15 euros à un film qui en a rapporté 750 millions. Ah-mais-si-tout-le-monde-fait-comme-toi ? Précisément, la copie serait peut-être revue. Reste que si les cinémas semblent ramer pour attirer du monde, le prix du billet ne saurait être le seul facteur explicatif, une autre hypothèse voudrait que les gens aient « pris des habitudes ». Peut être les plus jeunes, peut-être pas les moins vieux. Je ne m’avancerai pas sur le marché des nouvelles tendances, mais.
Chaque jour, dans mon train Anse-LyonVaise, je vois des gens bouffer de la série sur leur téléphone. Champ-contrechamp, aucun plan n’excédant vingt secondes, ils sont scotchés. C’est factuel. Quelle expérience en retirent-t-ils ? Le cinéma se fait par des sentiers de contrebande pour citer l’ami Bégaudeau et c’est probablement là que le bât blesse avec le streaming intensif et les plateformes, elles aiguisent moins notre curiosité qu’elles proposent une offre assommante qui nous limite dans l’appréhension des différentes formes cinématographiques, dans l’apprentissage d’autres grammaires. Certains diraient : elles nous standardisent. Libre à chacun d’explorer des nouvelles pistes.
En 2022, on m’a déjà affublé de la casquette du gars qui ne regarde que des films iraniens en noir et blanc des années 70. Avec sous titres quand même, faut pas déconner. Je ne saurais avoir du mépris pour quelqu’un qui va au cinéma uniquement pour les grosses productions, je n’en ai que pour ceux ou celles qui mangent du popcorn dans mes oreilles, mais je continuerai de répéter que s’offrir la possibilité de découvrir des films de Kiarostami, d’Hong Sang-soo, de Diop ou de Reichardt peut être un premier pas pour découvrir de nouvelles formes et qu’il est toujours aussi passionnant de voir des réalisateurs et réalisatrices maitriser leur art en se demandant à quoi tient leur génie.
Un clin d’œil à Aliye, Jérôme, Nico, Dorian, Andréa, Steph et JulieAmore avec qui « ça parle ciné ».
* A Villefranche.
Mon top dix 2022 :
Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson
Contes du hasard et autres fantaisies de Ryusuke Hamaguchi
Apollo 10 ½ de Richard Linklater
Decision to Leave de Park Chan-Wook
Enquête sur un scandale d’état de Thiery de Peretti
Rien à foutre de Emmanuel Marre & Julie Lecoustre
Viens je t’emmène de Alain Guiraudie
Triangle of Sadness de Ruben Ostlund
Il Buco de Michelangelo Frammartino
La nuit du 12 de Dominik Moll
Un top dix étant une sélection voici la liste des films qui étaient en concurrence :
EO de Jerzy Skolimowski ; Hit the road de Panah Panahi ; Don’t Look Up de Adam MacKay ; Twist à Bamako de Robert Guédigiuan ; La main de dieu de Paolo Sorrentino ; Sundown de Michel Franco ; Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux ; Nope de Jordan Peele ; Blonde de Andrew Dominik ; Armageddon time de James Gray ; Hustle de Jeremiah Zagar ; Saint Omer de Alice Diop ; The Batman de Matt Reeves ; Athéna de Romain Gavras ; Fumer fait tousser de Quentin Dupieux ; Bruno Reidal de Vincent Le Port et France – Argentine…
Cela veut dire que j’ai raté un paquet de bons films…
Texte écrit en écoutant Alex G God Save The Animals, meilleur disque de l’année.
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