A. Savage « Several Songs About Fire »

Six ans déjà après Thawing Daws (Dull Tools, 2017) une première échappée solo convaincante), A. Savage prouve une fois de plus quel grand compositeur il est avec un disque résolument beau et calme.

Qu’il est loin le temps où l’on se demandait si Parquet Courts n’était pas qu’une bande de sales gosses, auteurs d’un unique coup de maître. Depuis, Andrew Savage et ses comparses ont largement convaincu critique et public de leur indiscutable savoir-faire. Il est certes bien difficile de ne pas penser à la formation new-yorkaise à l’écoute de ce disque solo, car, comme tout le monde le sait (ou en tout cas les quelques lecteurs de cette chronique), Andrew Savage incarne l’une des voix du groupe de Brooklyn au côté d’Austin Brown, depuis sa création il y a un peu plus de dix piges. On savait le groupe influencé par des styles aussi variés que le punk ou la pop, mais sur Thawing Daws, Savage offrait une vision très personnelle d’un folk rock tendu joué par un jeune punk encore fougueux, et ce second LP explore un peu plus l’ambiance précédemment évoquée.
Las de s’identifier comme un artiste américain ou new-yorkais, le songwriter semble avoir découvert une nouvelle façon de composer après avoir choisi de fuir la ville. On y entrevoit un chanteur apaisé et appliqué, changé par une nouvelle vie de nomade (il traine désormais ses guêtres en Europe et en France) loin du brouhaha de la mégalopole qui l’a façonné, beaucoup moins dans l’urgence que par le passé. À l’écoute de ses deux derniers singles, on imagine la discussion de son label (Rough Trade) avec le songwriter : « Bon, elles sont bien belles tes chansons Andy, mais on aimerait quand même bien deux trois singles catchy à balancer pour les radios ! » Ça donne donc « Elvis In The Army » et « David’s Dead », deux titres pas originaux pour un sou mais bien tubesques, qu’on aurait facilement pu retrouver sous l’égide de Parquet Courts. Mais le teasing est fort heureusement un peu mensonger, car Savage a bien plus à proposer sur ce deuxième LP qu’une redite de son groupe, avec des chansons sur lesquelles il démontre tous ses talents de chanteur. Tantôt sûr de lui, proche d’un crooner, il se montre également touchant (« Mountain Time »). Composé dans la campagne anglaise avec l’aide de Jack Cooper (Modern Nature, Ultimate Painting), Cate Le Bon et d’une poignée de musiciens brillants, Several Songs About Fire est clairement influencé par la folk, l’americana et la country. A l’opposé de Parquet Courts, dont les titres avaient souvent pour base le bruit, l’énergie et la rage, ces titres là font la part belle aux beaux arrangements. Piano, sax’ ou violon embellissent les titres du chanteur, qu’on imagine (allez savoir pourquoi!) conçus dans un saloon fumant au coeur du Texas (d’où le songwriter est originaire) ou affalé sur un rocking-chair posé sur le porche d’une petite baraque délabrée au milieu de l’Amérique profonde, un verre de whisky à la main, face au coucher du soleil. Rien d’étonnant au vu de la classe du bonhomme de voir qu’il a attiré l’attention d’un certain John Parish (PJ Harvey), séduit par le musicien au point de produire ce nouvel album. Il n’y a pas de hasard.

Several Songs About Fire est une collection de chansons intimistes d’un homme discret mais sûr de lui, un grand songwriter à la fois solitaire mais bien accompagné, qui préfère créer que se mettre en avant. Déjà reconnu comme un artiste renommé avec ses peintures, Andrew Savage s’affirme désormais pleinement en dehors de Parquet Courts, en démontrant qu’il n’a pas forcément besoin de crier pour se faire entendre ou pour afficher son indiscutable talent de compositeur.

A. Savage Several Songs About Fire Rough Trade/Beggars

Face A

Hurtin’ or Healed
Elvis in the Army
Le Grand Balloon
My my, My Dear
Riding Cobbles

Face B

Mountain Time
David’s Dead
Thanksgiving Prayer
My New Green Coat
Out of Focus