« Ferrari » de Michael Mann

Difficile de ne pas être amer à la découverte du nouveau Michael Mann -réalisateur de chef-d’œuvres tel que Le Dernier des Mohicans ou Heat– non pas sur grand écran, mais sur le petit écran (on n’a pas tous une salle de ciné’ privative) de son téléviseur, Prime Video.

Aujourd’hui, il n’est pas vraiment surprenant de voir les grands studios passer leur tour sur de (futurs) grands films indépendants, surtout lorsqu’une rentabilité et un succès immédiat restent les buts recherchés, mais est-on tombé suffisamment bas pour que seules les plateformes de streaming permettent aux réalisateurs et réalisatrices de produire leur films en leur offrant une totale liberté artistique ? Ces dernières années, outre d’excellents films indépendants de cinéastes jusque-là, inconnus, on a ainsi pu découvrir On The Rocks (Sofia Coppola, 2020), The Irishman (Martin Scorcese, 2019), Mank puis The Killer (2020 & 2023, David Fincher), respectivement sur Apple TV+ et Netflix. Et si il n’y a pas grand chose à redire sur la qualité de ces films, on ne peut qu’être frustré d’avoir été contraint de les découvrir dans son salon et pas au cinéma, là où tout film devrait avoir sa place. Depuis quelques années, le géant du e-commerce Amazon, décidément présent partout où l’odeur de l’argent et du profit se font sentir, est lui aussi bien implanté dans la production de séries et de films. En ce début d’année, c’est donc le nouveau long-métrage de l’immense réalisateur américain Michael Mann, Ferrari, biopic consacré au bien nommé Enzo Ferrari, qui est sorti, en toute discrétion, sur la plate-forme de streaming. Le cinéaste américain n’a pas son pareil pour passionner le spectateur, qu’importe le sujet choisi. Vingt-deux ans après avoir consacré un long-métrage à la légende de la boxe Mohammed Ali -et offert à Will Smith son plus beau rôle, voire peut-être le seul de sa carrière- Mann revient au biopic avec Ferrari, un exercice Ô combien casse-gueule. La plupart du temps, la production de ce genre de films est confiée à de grands studios qui n’espèrent qu’une chose (outre le carton au box-office, cela va sans dire): une pluie d’Oscars. C’est également le trophée tant rêvé qui motive leurs interprètes principaux, qui en font souvent des caisses pour obtenir la-dite récompense. Ces derniers parviennent parfois à tirer leur épingle du jeu (Joaquin Phoenix en Johnny Cash par exemple), mais la plupart du temps (on ne citera pas de nom), le résultat n’a pas grand intérêt. Et en même temps, comment résumer plusieurs décennies de la vie d’une personnalité, avec ce qu’elle peut comporter d’événements marquants, en à peine deux heures.
Ça, c’est donc le schéma des biopics classiques, mais ce bon vieux Michael Mann n’est pas monsieur tout le monde. Le scénario de Troy Kennedy-Martin a l’intelligence de raconter non pas l’existence entière, mais une période bien précise de la vie du pilote/industriel italien : l’année 1957. Une année durant laquelle Ferrari est en pleine déroute, au bord de la faillite, plus concerné par les courses automobiles que par la vente de ses véhicules. Encore endeuillé du décès de son unique fils survenu un an plus tôt, plongeant par la même occasion son mariage en pleine perdition, il passe son temps auprès de sa maîtresse et de leur enfant illégitime. Adam Driver est tellement convaincant dans le rôle de Ferrari qu’on en oublie qu’il n’est ni italien (le film est, bien évidemment, tourné en anglais) et qu’il a vingt ans de moins que le personnage qu’il interprète. Il offre un superbe portrait de Ferrari, un chef d’entreprise froid et sûr de lui en public mais dévasté dans le privé. La vie de l’homme est parsemée de drames, le décès de son frère, de ses amis, de son enfant et des pilotes qui l’entourent. Face à lui, Penélope Cruz est bouleversante en femme doublement brisée : par la perte de son unique fils dont elle ne se remet pas puis par les infidélités régulières d’un mari fuyant. Elle doit néanmoins garder la tête haute en maintenant comme elle le peut son entreprise à flot.
Bien sur, au vu de son sujet, Ferrari n’est pas seulement un drame, car il comporte quelques scènes de courses d’un réalisme captivant. Sur circuit comme sur les routes de la célèbre Mille Miglia, Mann filme comme il filmerait la scène d’action d’un polar. Le spectateur est dans le cockpit et ressent l’excitation mais surtout le danger et la tension que devaient ressentir les pilotes professionnels, lorsque tout peut basculer en une fraction de secondes.

Que l’on soit, ou non, amateur de sport automobile, Ferrari fascine et passionne. Sans pour autant signer un chef d’œuvre ou bouleverser les films du genre, Michael Mann réalise un drame efficace et se sort de l’exercice biopic avec les honneurs, et c’est en grande partie grâce à la performance de ses acteurs.

Ferrari
Réalisé par Michael Mann
Scénario de Troy Kennedy-Martin
d’après Enzo Ferrari: the man, the cars, the races de Brock Yates
Avec Adam Driver, Penélope Cruz,
Shailene Woodley, Gabriel Leone & Patrick Dempsey
Sorti le 8 mars 2024 sur Prime Video




Critique et bandes-annonces de Heat (1995)

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Stéphane Pinguet

Disquaire indépendant aigri mais passionné, amateur de musique, cinéma, littérature et bandes dessinées en tous genres.

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