Fyfe « Control »

Control
Découvert en 2013 avec le single coup de cœur « Solace », Fyfe faisait mouche avec sa voix douce et hors­norme et ses mélodies au pouvoir d’attraction immédiat. Avec toute une flopée de titres sortis entre temps, notamment le parfait « Conversations », le petit buzz autour du chanteur a pris de l’ampleur et son nouvel album est annoncé comme une « révélation ». Grognements personnels devant cet engouement soudain, alors qu’il y a encore six mois, je le défendais seule dans l’indifférence générale.

Outre cette réaction primitive, la peur de l’effet « remplissage » à l’heure du premier album était aussi là, au vu du tracklisting annoncé, qui reprenait la plupart des morceaux déjà sortis sur les précédents EP. Bref, la veille de la sortie de Control, je n’étais même plus impatiente, m’étant auto­convaincue qu’il était désormais tombé dans les méandres de la pop mainstream interchangeable avec tant d’autres, qu’il était devenu une simple caution indie pour les pubs Spotify et une (bonne) raison supplémentaire d’être cynique en ce bas monde.
Heureusement, comme je ne suis pas complètement butée, et même plutôt fidèle, j’ai quand même cliqué sur Play le 9 mars dernier et la surprise n’en a été que plus belle. Fyfe parvient en une douzaine de titres à créer son propre univers et à imposer sa singularité sur un album qui préfère l’intimité à la démonstration et perçoit la musique comme une caresse. Sans trop en faire, ni vouloir nous en mettre plein les yeux, Fyfe réalise là un vrai travail d’orfèvre sur la texture des morceaux et sur leurs orchestrations très fines, qu’elles soient jazzy ou électro.
Les singles « Solace » et « Conversations » restent bien sûr les temps forts de l’album, mais les nouveaux venus « Holding On » et « Veins » frappent par leur classe, leurs arrangements subtils et leur sensualité assumée. Un saxophoniste semble sortir de l’ombre le temps d’un final envoûtant sur « For You », avant d’y retourner. Des notes de piano nostalgiques nous laissent à marée basse sur le tumultueux « In Waves ». Face à ces instruments qui semblent surgir par surprise, mais sans vouloir nous faire peur, la voix claire et élastique de l’Anglais est judicieusement mise en valeur comme s’il nous susurrait ses mots à l’oreille.
Au contraire d’un Sam Smith, qui a tendance à sacrifier la beauté de sa voix au profit de la performance (et qu’on préférait largement en simple featuring chez Disclosure), Fyfe sait utiliser sa voix intelligemment, c’est ­ à­ dire avec nuance. Le résultat n’en est que plus impressionnant, réussissant à nous émouvoir avec peu d’artifices. Il nous rappelle en ça un autre Fyfe, Dangerfield celui­-là, qui, avec les Guillemots ou en solo, parvenait toujours à nous émouvoir avec sa voix de dingue et ses mélodies bizarres, mais jamais putassières. Enfin, et ce n’est pas négligeable, il se dégage de Control de véritables vertus thérapeutiques, tant la voix douce de Fyfe détient un pouvoir relaxant sans jamais nous endormir.

Pour un album aussi pop – au sens large du terme – et malgré l’efficacité immédiate des morceaux, Control ne cède donc jamais à la facilité et tient sa promesse d’une musique personnelle et inventive. A prescrire à tous les auditeurs de la playlist « Garde la pêche » de Spotify.

Fyfe Control Benvolio Music Ltd
Site officiel de Fyfe.

TRACKLIST:

Conversations
Holding On
Solace
Polythene Love
For You
In Waves
Lies, Pt. II
Keep It Together
Veins
St Tropez
Control



 

Julia Rivière

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