Hellfest Warm Up à Coopérative de Mai : Tagada Jones + Crisix + As A New Revolt

Préchauffe des enfers
Deux ans… sur lesquels on ne reviendra pas, pas maintenant. Deux longues années et voilà qu’on entend du côté de Clisson, les premiers grincements de porte qui annoncent la réouverture imminente des Enfers soniques ! Tels les cavaliers de l’apocalypse, ils parcourent la France dans leur sombre tour-bus, préchauffent nos âmes pour les préparer à une édition anniversaire du Hellfest qui se présente déjà comme une occasion rare et exceptionnelle !

21 dates, et un passage à La Coopérative de Mai de Clermont-Ferrand, un lundi de rentrée. Il faut le reconnaître, ce n’était pas gagné, d’autant plus quand on présume du caractère plutôt timide du public auvergnat. Timide, mais jusqu’à quel point ? En co-production avec Epic Tour, la soirée commence avec l’une de leur signature, le duo grenoblois de As A New Revolt. Une découverte, pour ma part, qui convoque les esprits urbains du punk-hardcore et du rap transatlantiques. Et c’est à eux qu’il échoit la pénible mission de lancer la soirée. Même pas peur ! Déterminés, Manu Barrero (chant/machines) et Julien Lhuillier (batterie) se jettent sur scène et déploient dès le premier titre une énergie fulgurante et maîtrisée. Les basses sont bien là, puissantes, couplées à des boucles mélodiques entêtantes aux influences variées, lignes orientalisantes et riffs bien lourds tout droit sortis des 90’s. Côté chant c’est frappant, on pense tout de suite à Adam « MCA » Yauch (Beastie Boys), un peu à Fred Durst (Limp Bizkit).

Manu Barrero (As A New Revolt)

 Le phrasé, la façon de poser un flow vif et résolu sur des instrumentalisations qui fusionnent les genres avec brio. Le public commence à s’amasser autour de la scène, de plus en plus nombreux, encore un peu sage, mais vite gagné par la frénésie que dégage le groupe. Ils n’en sont pas à leurs premières dates et ça se sent. Leur set est bien construit, ils font preuve d’habileté et d’une certaine assurance qui est la marque tangible d’un professionnalisme scénique en pleine affirmation. As A New Revolt en profite pour nous présenter leur dernier EP, Farès (KNT Label), sorti en 2021. À noter quelques bombes comme « Peplum, Juan » et le titre sorti en single en 2020, Kanuni, ou encore « Empire » issu de leur premier album (TXRX, 2018). Malgré une entame pas évidente, compte tenu de leur situation en première ligne, As A New Revolt parvient à faire bouger les têtes et provoquer quelques dandinement sincères à mesure que le set avance. Ils finissent sur une note plus qu’honorable — et un mic drop bien solide — sous les applaudissements mérités d’un public certainement conquis. À revoir, parce qu’on ne doute pas de leur capacité à renverser les salles.

L’atmosphère se construisait petit à petit. Le public continuait d’affluer et ne semblait pas venu pour se la couler pépouze. Une magie qui résulte d’un enthousiasme réel pour le Hellfest et son univers impressionnant, bâti autour d’un événement phare qui, rappelons-le, fête ses 15 ans cette année. Une partie de l’équipe était présente ce soir, embarquant avec eux quelques éléments de décor et des animations qui participent à leur succès, festives et divertissantes, comme le fameux concours de Air Guitar. Saluons quand même le courage des animateurs qui s’évertuent à provoquer l’ambiance, ce n’est pas chose évidente, un acte d’abnégation.

Les Barcelonais de Crisix

On enchaîne, pas de faux rythme, tout s’enclenche comme une mécanique bien huilée, aucun retard sur les horaires, c’est minuté, propre, on prend le temps sans en perdre une goutte, ça roule. Crisix, le groupe que j’attendais, va faire son entrée. Pour être honnête, je ne les connaissais pas avant leur performance en 2021 pour une édition en “distanciel” — quel vilain mot — intitulée Hellfest From Home, devant… personne, en fait… Pause. Si les concerts filmés sans public peuvent faire sens (Pink Floyd: Live at Pompeii, 1972) dans la mesure où l’on peut noter un effort de réalisation ou alors, qu’il intervient pour pallier un manque cruel face à une situation subie, why not. C’est même plutôt intéressant quand on y met des moyens financiers et artistiques — on se souvient de l’excellent live-stream de Behemoth, In absentia Dei (5 septembre, 2020), tourné en Pologne dans le cadre d’une chapelle privée appartenant à un réalisateur célèbre sujet à controverse, oopsy! —, mais qu’on ne me dise pas que l’expérience numérique pourrait remplacer celle du monde physique ! Je l’ai entendu dire… Chaque espace, numérique ou physique, comporte des atouts inhérents à leur nature, point. Fin de la pause. Crisix donc. Du thrash ! Du bon vieux thrash qui assimile parfaitement les leçons du Big Four, sent bon le pulp, le slasher, les productions Troma et la pisse sur les trottoirs de Los Angeles. Ça ne peut que parler au gamin des 80’s/90’s qui headbang dans mon p’tit cœur.
Fondé en 2008 près de Barcelone, le groupe en est à son sixième album et deux tournées internationales. On est sur une confirmation et ça tabasse dès le premier morceau, « Speak Your Truth », sorti sur leur dernier opus, Full HD (2022, Listenable Records). C’est comme on l’espérait, une maîtrise totale de leurs instruments, gros son et jeu de scène bien rôdé de gars qui savent faire monter la sauce et exploiter l’énergie du public. C’est participatif, on est là pour en prendre plein la vue et leur rendre la pareille. Pas simple au départ, le public est encore un peu passif, mais à force de haranguer et de susciter les mosh pits et autres circle pits, on ne va pas avoir d’autre choix que se laisser aller à la fête. On va même jusqu’à de satisfaisants wall of death en plein milieu de la grande Coopé. Bref, efficace à tout point de vue, à l’image du second titre joué, « World Needs Mosh » (The Pizza EP, 2021, Listenable Records). Ça ne traîne pas et avec humour, qui plus est !

Le guitariste Marc « Busi » Busqué Plaza de Crisix

Un trait qui jouit d’une place importante dans leur mode de création. Les paroles en témoignent. Ils enchaînent alors sur des morceaux plus anciens comme le très bon « G.M.M. (The Great Metal Motherfucker) » sorti en 2016 sur l’album From Blue to Black (2016, Listenable Records), avant de marquer un court arrêt le temps de s’échanger les instruments pour nous offrir un medley de choix : de « Hit the Lights » (Metallica) à « Walk » (Pantera), pour finir sur un Antisocial bien de chez nous avec la participation de Niko Jones (Tagada Jones) venu les rejoindre. Ça gueule bien dans le micro et dans la salle. Retour à la normale, si tant est qu’on considère cette situation comme telle, pour le prochain morceau, le très entraînant « Macarena Mosh »(2022) — eh oui… — accompagné par leur mascotte, l’Agent 57, le Eddie the Head catalan peut-être, qui gesticule en tout sens et tente de communiquer au public les quelques pas d’une chorégraphie qui accompagne le titre. Eh oui, bis. Ça parle d’une histoire de dernière danse avant la mort, un truc à invoquer les démons — de la cuite, je pense —, une danse macabre en somme. Bon, passons là-dessus, mais le titre est génial ! En conclusion, ils jouent un de leur hit les plus anciens, « Ultra Thrash » (2011), et s’en vont tout sourire et de bonne humeur en nous laissant dans le même état d’esprit. Le tour est joué. 

Et après ça ? Eh bien, tagada tagada, on s’en va boire une bière, supporter quelques Air Guitarists, car le public est déjà bien moins timide à 22h30, y-aurait-il un rapport, un lien de cause à effet avec les files d’attente autour du bar ? Mystère. On fait une photo pour tenter de gagner un pass 3 jours et il est déjà l’heure d’accueillir le prochain groupe, Tagada Jones

Le combo Breton Tagada Jones

On ne présente plus ce combo rennais fondé au début des années 90 et qui, de son punk-rock alternatif teinté de métal, parcourt les scènes françaises depuis des décennies. Soyons francs, je ne connais que peu, voire presque pas. Si j’apprécie l’engagement et la générosité qui les caractérise, je reste un peu en retrait. Pourtant, j’ai assisté entièrement à leur performance. Après tout, c’était l’occasion de les voir et de me faire une idée de leur prestation scénique. Avec plus de 30 ans de carrière et un certain succès, on imagine d’emblée qu’ils maîtrisent leur sujet. Ce fut sans aucun doute le cas. Pour botter le cul du public, ils répondent présents ! Je note par ailleurs que leur fanbase ne s’est pas privé. Je n’ai pas dit un mot de la nature du public ce soir. Très varié, tant socialement qu’en termes de génération. C’est plutôt agréable de sortir de l’entre-soi parfois. Et drôle aussi, car c’est ainsi qu’on assiste au spectacle d’une famille venue célébrer ensemble : le papa qui gueule, la maman qui danse et les filles qui slament dans la fosse, sympa.

Bref, un bon show et une ambiance au rendez-vous, des morceaux dans la plus pure tradition du genre et quelques autres bien plus lourds et puissants, un final avec les gars de Crisix venus mettre le sbeul sur scène et entonner avec eux leur célèbre « Mort aux cons » — avis à ceux qui se sentent visés, s’ils nous lisent… 

L’événement a tenu ses promesses et on a passé un bon moment à la Coopérative de Mai. Le public a répondu présent et s’est montré enthousiaste, quant aux groupes et à l’organisation, ils étaient largement à la hauteur des attentes que l’on pouvait avoir. À très vite Clisson !

Salle: La Coopérative de Mai.
Photos par Yann Cabello ©.
As A New Revolt, CrisixTagada Jones au Warm-up Hellfest.


Stachmoo

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