Arctic Monkeys « The Car »

Qu’on se le dise d’entrée de jeu, avec The Car, septième album des Arctic Monkeys, les guitares sont définitivement… au garage. Les Anglais de Sheffield continuent leur mue avec un album sophistiqué, aux orchestrations léchées, à défaut d’être électrique et énervé.

À l’écoute de ce nouvel album, je me sens un peu comme cette voiture dans la pochette : seul, égaré, voire carrément abandonné… Comme cette Toyota Corolla blanche, j’attends. Mais j’attends quoi ? Je n’en sais rien en fait, peut-être des titres ébouriffants, du refrain tonitruant, des guitares acérées … Il faut se rendre à l’évidence, je peux attendre un sacré moment, car en 2022, telle n’est plus la question avec les Arctic Monkeys. Alors est-ce grave ?
Et bien oui et non. On ne peut que saluer l’audace et l’envie de se renouveler… Et côté renouvellement, on peut dire qu’ils ont réussi depuis leur juvénile premier opus Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not (Domino, 2006). C’était, jusque-là, un parcours sans faute, avec un changement de ton important en 2009 et l’arrivée de Josh Homme à la prod’ qui sonne la fin de l’adolescence, avec un son plus mûr et plus posé (Hambug, Domino, 2009). Nos jeunes Anglais quittaient alors leur nid pour rejoindre Los Angeles, et on peut dire que le jetlag commençait à se faire sentir sur Suck It and See (2011, Domino), mais vite maitrisé avec l’équilibré et efficace AM parut deux ans plus tard.
Mais dès 2008, son leader, Alex Turner, reluquait vers un horizon plus orchestral et grandiloquent, avec le (génial) side-project The Last Shadow Puppets (Domino) créé avec son comparse et compatriote, Miles Kane (feu The Little Flames, The Rascals). À y réfléchir de plus près, cette infidélité n’est pas si anodine, car elle semble être le point de départ du changement de cap des Arctics : Alex se découvrant l’âme d’un crooner et adepte de la gomina (à une autre époque, il aurait pu être l’égérie de Pento)…
Après le second opus des Last Shadow Puppets, Everything You’ve Come to Expect (Domino, 2016), sort donc, en 2018, l’ovni Tranquility Base Hotel & Casino, album inclassable et tellement dissonant dans cette discographie. Le Live At The Royal Hotel sorti en 2020 donne, malgré une setlist éclectique, une nouvelle indication de la baisse de rythme du groupe, et son envie de ralentir le tempo. La gouaille et l’espièglerie des débuts semblent d’un autre temps…

Le décor étant posé, revenons-en à l’album ! The Car est bel et bien un album des Arctics, dix titres, 37mn23, soit, un album dans les standards du combo, et pourtant, il semble tellement plus long…
L’entrée majestueuse de « There’d Better Be A Mirrorball » donne le ton. C’est beau, c’est propre ou plutôt, c’est trop beau, c’est trop propre. Mais après plusieurs écoutes, il est indéniable que ce titre est une vraie réussite tant les arrangements et la voix de Turner sont calés au millimètre. Je me plaignais du manque de guitare, mais le très funky/seventies « I Ain’t Quite Where I Think I Am » m’a laissé de marbre, tout comme l’ensemble du titre que je trouve plutôt ennuyeux. Finalement, qui l’eût cru ? Les guitares ne sont pas si mal au garage… « Sculptures Of Anything Goes » est, quant à lui, remarquable (si on part du principe que les Arctics ne sont plus ce qu’ils étaient) : classe, sobre, élégant. Ian Fleming ne renierait sans doute pas ce titre pour un générique de qui vous savez.
Malheureusement, la suite est moins glorieuse avec le très dispensable « Jet Skis On the Moat ». Là encore, le motif de guitare n’apporte pas grand-chose et, encore une fois, on flirte avec le prétentieux. Le deuxième single arrive avec « Body Paint ». La seconde partie est intéressante et on se met alors à espérer au titre référence qui fait tout oublier. En vain… « The Car », « Big Ideas », « Hello You » et « Mr Schwartz » se suivent et finalement, se ressemblent. À chaque fois, on se dit que c’est désespérant, mais à chaque fois, il y a un petit quelque chose, une mélodie ou un motif qui accroche l’oreille, mais toujours trop dilué, notamment dans « Hello You » et son orchestration à la Melody Nelson. L’album se termine par un « Perfect Sense » —que je cherche toujours personnellement—, qui clôture le disque de belle façon. Un titre sobre (le plus court de l’album 2mn47) et élégant, qui rappelle par flash, des orchestrations de Nina Simone.

Ce septième album est donc vraiment déroutant. Les codes d’autrefois n’y sont plus, l’esprit et le ton non plus, mais pourtant, par intermittence, ces sacrés loustics proposent des moments très subtils et réussis qui laissent entrevoir la flamme. Flamme qui vacille, certes, mais flamme qui leur accorde un nouveau joker…

Arctic Monkeys The Car Domino Recording Company

TRACKLIST :

Face A

There’d Better Be A Mirrorball
I Ain’t Quite Where I Think I Am
Sculptures Of Anything Goes
Jet Skis On The Moat

Face B

The Car
Big Ideas
Hello You
Mr Schwartz
Perfect Sense


Album disponible sur Apple Music, Qobuz, Spotify & Tidal,
mais aussi et surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !


Bertrand Bertoncello

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