Blade Runner 2049, chronique d’une réplication.

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Longtemps attendu, avantageusement « trailé », on a enfin pu voir sur pièce le Blade Runner façon 2049. S’attaquer à la suite de ce monument de la culture « populaire » pompée de la culture littéraire « fantastique » n’est bien évidemment pas une chose aisée, pour qui que ce soit. Ridley Scott, père du premier opus, n’est, d’ailleurs, pas bien loin derrière ce sequel avec Denis Villeneuve à la réalisation. Villeneuve dont la filmographie est assez particulière, même depuis son intégration hollywoodienne : la promesse de traitement était donc intéressante.
Circulez, y’a tout à voir.

L’esthétique, c’est ce qui saisit assez instantanément devant le grand écran et continue de saisir tout le long du film. Cela se traduit par une succession, un pléthore de plans qui prennent le temps d’être vus ou de laisser voir. Le majestueux, la désolation, le glauque, le pur, le fantastique, le temps qui a passé, les références… tout est, d’une certaine manière, transparent et minuté pour être bien vu, reçu. Jusqu’aux personnages eux-mêmes, très « à plat », unidimensionnels. La photo est reine et, à vrai dire, cela devient même limite pornographique tant pas grand chose n’est suggéré mais tout est montré. Si fantasme il devait y avoir sur cette nouvelle version, il est un peu vite puis complètement défloré.
Seules quelques scènes viennent troubler ce (non-)jeu : celles « anecdotiques » des placements produits (big up à Peugeot, c’était pas gagné), celles d’action ou de bagarres (logiquement plus vives et rythmées) et cette scène un peu lunaire où un hologramme d’IA vient se superposer (se « synchroniser », dans le dialogue) sur une prostituée. Même à ce moment de malaise et de vision troublée, il n’y a finalement pas vraiment de malaise et de suggestion. C’est très clair.
Peut-être percevrez-vous d’autres moments où l’on sort d’une sorte de torpeur mentale devant tant d’image(s). Si c’est le cas tant mieux. Car si le spectaculaire n’en finit pas de s’accumuler — 2h43 de montage — c’est déjà quelque chose en soi… mais au-delà de ça qu’y a-t-il ? Pas grand chose tant l’histoire n’est qu’un prétexte (encore) aux images. Il n’y a que peu de doutes par rapport à l’intrigue du film : le récit et la trajectoire des personnages sont au final plutôt académiques, convenus. Pas besoin, d’ailleurs, de les déflorer ici.

Tout est hypertexte (et rien ne mène à rien)?

La clé de lecture du film — parce que forcément on en cherche une — se trouve probablement dans cette scène, tôt dans l’histoire, où Ryan Gosling tend ostensiblement le livre Pale Fire de Nabokov à son IA chérie en mode private joke. Car on ne balance pas, comme ça, ce genre de référence gratuitement. Des vers issus de Pale Fire sont, par ailleurs, utilisés pour tester les réplicants… mais ça fallait-il encore le savoir.
Selon Wikipedia, que l’on s’empresse de consulter a posteriori, Pale Fire est un roman au format expérimental qui aurait introduit la notion de métafiction et d’hypertexte. Tiens donc. Et Pale Fire vient lui-même d’un vers de Shakespeare : « The moon’s an arrant thief, / And her pale fire she snatches from the sun ». Voilà voilà. Libre à vous d’interpréter ce « signal » donné en pâture, voilà la mienne : cette version 2049 n’existe qu’à travers la lumière du film originel et ne cherche, de fait, à le dépasser. Même la B.O. peut s’inscrire dans cette logique : en référence et rapport direct à Vangelis, version 2017, enfin 2049, pas par Vangelis.
Peut-être, alors, que l’ambition n’était que de construire qu’un reflet, un effet de miroir de ce qu’est Blade Runner au regard de notre propre époque, la génération d’après. Ça se tient aussi si on part du principe que la version des 80’s laissait poindre le spectre de la mondialisation et de l’économie de l’attention (des images partout, tout le temps) quand celle d’aujourd’hui incorpore les ingrédients de la catastrophe climatique et l’accélération technologique (la « singularité »). Deux de nos grandes angoisses actuelles, s’il en est.

Sinon, bien ou bien ?

Ben bien ou bien ! Blade Runner 2049 est donc, au final, magnifique et plat à la fois. On peut, à l’envi, y chercher plein de choses et creuser pour y trouver de la substance, voire s’y perdre en conjectures. Ou pas. On pense alors à la bâche que s’est récemment pris Ridley Scott avec Alien Covenant ou au Dune que Villeneuve va réaliser. Et de se dire que, peut-être, il faudrait sortir des boucles qui bouclent. Pour ne pas dire des algorithmes biaisés des blockbusters…

Blade Runner 2049
Réalisé par Denis Villeneuve,
Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas, Robin Wright et Jared Leto.

Scénario de Hampton Fancher et Michael Green,
Musique de Hans Zimmer et Benjamin Wallfisch.

 

 

 

 

Rodolphe Canale

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