Des Lions pour des Lions « No(s) Border »

C’est sur scène que j’ai découvert Des Lions pour des Lions, une “fanfare brute” pour reprendre l’allégorie à mon compte. Ils m’ont mis ce jour-là une belle taloche de maçon de la Creuse avec un style bigrement original. Ce deuxième album en atteste.

Les Lions rugissent de plaisir (oui, elle était facile celle-là, mais ne pas la faire frisait le vice de procédure) grâce à une méthode ancestrale remaniée de fond en comble et sans frontière comme le stipule l’intitulé de ce nouvel album. Sans limites non plus, à en croire le titre à double sens de la chanson “No(s) Limits”. Le brass-band angevin alimente son blues urbain et expérimental des bords de Maine avec des alluvions du Mississippi et du Danube. Sa façon de s’exprimer s’apparente à celle de la nouvelle génération des jeunes brass-bands américains, autant nourris au blues qu’aux musiques contemporaines. Les Lions sont en avance sur leur temps. La formation n’est pas un simple brass-band même si le groupe se produit autant en salle qu’en rue. Le quatuor est composé de deux cuivres, un synthétiseur préhistorique, une guitare, des percussions traditionnelles et des voix avec une chanteuse charismatique capable dans cet écheveau d’accrocher des mélodies façon girls bands 60’s. Sur la très belle “Fanfare brute”, le tube de l’album, la voix donne à l’ensemble du morceau une teinte façon Françoise Hardy ou Calamités. En plus d’être une formidable musicienne (saxo, trombone, trompette, flute), Elisabeth Herault est une grande voix et sa façon d’occuper l’espace, tout en fluidité et en légèreté, est captivante. Son acolyte et compagnon de scène comme de vie, Alain Lardeux, plus connu sous le sobriquet de Boochon (ex-Dirty Hands, ex-Boochon, ex-Compagnie Joe Bithume), est son complément d’objet direct au trombone, à la voix, au synthé et à la basse. Les deux font la paire, accompagnés qu’ils sont par un incroyable percussionniste à la tenue vestimentaire et à la gestuelle spectaculaire (le groupe fait de la rue aussi, l’aspect visuel est donc soigné) avec une instrumentation pas banale. Cédric Momojee Maurel vous expliquera qu’il joue du dhol, des tashas, du calabash et autres instruments de musique exotiques, mais le plus important est sa façon de se tenir jambes écart avec des “clochettes” aux chevilles et un énorme tambour. Pour couronner le tout, Freddy Boisliveau se charge de quasiment tous les instruments à cordes plus classiques dans la culture occidentale (guitare, dobro) pour jouer le rôle du renard dans le poulailler au milieu des boucles hypnotiques qui charpentent les chansons des Lions. Les textes sont remarquables, la musique ensorcelante. Quand dans “La petite aventure”, Elisabeth chante « On veut taper dans l’œil du cyclope », vous admettrez que, certes, c’est ostentatoire, mais diablement efficace. Sur les dix titres entraînants de ce deuxième album, la moitié est appelée à devenir des classiques. On imagine en rue ce que ça peut donner. Le macadam doit fondre. D’autant que ce soit en rue ou sur scène, brass-band oblige, les Lions apportent un soin particulier à la chorégraphie de chaque chanson pour donner un côté visuel au show. Ça leur vient de la rue et c’est ce qui en fait un groupe attachant et passionnant à voir et à écouter. Je déclare officiellement adorer les fanfares brutes.

Des Lions pour des Lions No(s) Border MaAula Records

Donne prends
La grande aventure
Fanfares brutes
Doutek
La petite aventure
Le cépuscule des dieux
Robots
No(s) Limits
À table
Rojava


Album disponible sur Apple Music, Bandcamp, Qobuz & Spotify,
mais aussi et surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !

 



Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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