Didier Balducci « Mondo Elvis »

Didier Balducci réussit le tour de force d’évoquer le King de façon tout à fait originale et inédite, avec poésie, tendresse, amour, gloire et beauté. Ses mots nous font rêver.

Par ailleurs guitariste fuzzionnel des inoxydables Dum Dum Boys, Didier Balducci s’avère être un des auteurs les plus passionnants et les plus savoureux de notre époque. Son style, sa verve et l’étendue de sa culture – qu’il se garde d’étaler, mais qui lui procure les ingrédients pour étayer ses analyses éclairées –, tout cela agrégé fait de lui, un des auteurs les plus pertinents du moment. Ses désormais célèbres Tourisme parallèle – quatre volumes à ce jour –, ainsi que Toute une vie de labeur, tous sortis aux Éditions Mono-Tone comme l’ensemble de son œuvre, seront un jour publiés en Pléiade, on vous le garantit. Et Mondo Elvis les rejoindra, tant ce nouvel ouvrage est un livre d’art d’une beauté indescriptible… enfin, indescriptible, un minimum quand même, sinon, vous vous demanderiez bien ce que je suis en train de faire là. Mais notre société décline-t-elle au point qu’il soit encore besoin de faire l’article d’un nouveau livre de Didier Balducci ? Ne cherchez plus, la réponse est : oui. Alors que l’auteur devrait être au programme de français et de rock’n’roll réunis, coefficient 6, depuis son premier tome des Tourisme parallèle qui sont à la littérature française ce que les Marx Brothers, les Monty Pythons, Jacques Tati, Russ MeyerEd Wood et, évidemment, les films d’exploitation sont au cinéma !
Avec Mondo Elvis, livre « d’exploitation » type s’il en est, deuxième volume de la superbe collection Les Archives du Monde Moderne, Didier Balducci revient sur sa passion pour Elvis, non pas en récrivant la 45 000 ème biographie du King, mais plutôt en évoquant des initiatives annexes perpétrées par des fans, des passionnés, parfois bien allumés, souvent illuminés, qui, à leur façon, entretiennent la mémoire d’Elvis. L’auteur nous fait entrer dans un monde féérique relevant autant de l’art brut que du dadaïsme et du situationnisme, des mouvements auxquels l’auteur se réfère souvent. Il nous fait ainsi visiter ses toilettes, chez lui, à Nice. Car les WC de Didier Balducci font également office de musée, dédié, entre autres, à Elvis. Rares sont les privilégiés conviés à y pénétrer. Heureux lecteurs que nous sommes, il nous en fait une visite guidée. On retrouve dans son musée d’aisance, entres autres merveilles, des boules à neige Elvis, des statues Elvis en pâte à modeler, sculptées de ses mains. Photos à l’appui, cela va de soit. Un chapitre est consacré à un roman-photo détourné et mis en scène par ses soins : Une tragédie américaine. Un autre comporte une bande dessinée revisitant une aventure de Tintin : Elvis au Congo. L’auteur flirtant toujours avec le subversif bien entendu, par pur esprit rock’n’roll, par pure provocation. Qui mieux que lui saurait établir un lien entre Elvis et Mao, une autre de ses passions ? Rappelons que son pseudo dans le monde virtuel des zozos sociaux est Memphis Mao. Didier Balducci évoque aussi quelques livres consacrés au roi du rock’n’roll de façon pour le moins étonnante. L’auteur s’attarde sur l’ouvrage d’un fan qui a très brièvement rencontré le King à deux reprises, le temps d’échanger trois mots sur un trottoir. Cela lui a suffi pour écrire un livre sur l’amitié qui le liait à Elvis. Une des cuisinières travaillant au service de Presley a écrit un livre sur ses habitudes culinaires. Le King était, comme chacun sait, amateur de junk food, seule nourriture comestible à son goût. Une fan proclamait avoir été, toute sa vie durant, l’amour secret d’Elvis. Ils ne se voyaient qu’en cachette. Et elle lui a toujours caché lui avoir donné un enfant pour ne pas parasiter sa carrière et sa belle histoire d’amour avec Priscilla. Elle a écrit tout ça dans un livre que Didier Balducci résume avec tendresse. Voilà quelques sujets évoqués parmi les innombrables thèmes abordés. Si j’en avais le temps, je pourrais également citer le chapitre consacré aux sosies atypiques du King – photos à l’appui évidemment – et leurs formidables carrières, comme on a des sosies de Claude François ou de Johnny par ici… Tout ça, sans jamais, ô grand jamais, se moquer de tous ces fans absolus d’Elvis. Lui-même faisant partie de cette communauté de joyeux zinzins. Mais pas au point de vivre la vie d’Elvis par procuration comme certains. Il garde une certaine distance afin de ne pas se brûler les ailes, ce qui lui a permis d’écrire ce livre en toute objectivité, avec un grand sang-froid. Il a un profond respect, beaucoup de tendresse et même une sincère admiration pour tous ces fans obnubilés par le King. Que vous aduliez Elvis ou pas, cela n’a aucune importance, vous devez lire ce livre pour comprendre la nature humaine et pour compléter votre CV. Pour vous procurer ce magnifique ouvrage (18€ port compris), adressez-vous directement à l’auteur : memphismao@gmail.com et ne venez pas chougner qu’on ne vous l’avait pas dit.

Didier Balducci Mondo Elvis Les Éditions Mono-Tone
(255 pages, 14 €)

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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