Don Joe Rodeo Combo « Dernier Jour »

Comme de coutume, avec son troisième album intitulé Dernier jour, le groupe toulousain s’aventure en terrain miné en prenant un malin plaisir à la désobéissance artistique et en tordant le cou aux normes en vigueur.

Par exemple et s’il ne fallait en citer qu’une parmi les neuf chansons de ce nouveaudisque, “Bourgeois” qui aurait pu être au répertoire de Kid Pharaon met unepetite cartouche à la pensée dominante et sans sommation s’il vous plait. Faudrait pas qu’ils s’allient avec Mustang, ça friserait la conspiration. L’éminence grise qui dirige d’une main de velours dans un gant de crin ces Don Joe Rodeo Combo est sous l’étroite surveillance de nos services depuis les années 80, période durant laquelle il emmenait les louveteaux des Boy-Scouts, combo ayant fait quelques étincelles le temps d’un album. On l’a ensuite retrouvé à la tête de Indian Ghost qu’il conduit désormais en alternance avec Don Joe Rodeo Combo, gang qui joue au rock comme des enfants à la marelle, en sautant à cloche-pied de l’insouciance 60’s à la pop lutine pour atteindre le ciel, en l’occurrence ce nouvel album tout à la fois brillant, surprenant et inventif. On sait DJRC espiègle, prêt à balancer d’amicales petites pichenettes à ses petits camarades pour ramener à lui des références qui collent à son propos. Mieux que des trompe-l’œil, de vrais points d’ancrage, des balises pour conduire les chansons à bon port. Mettre en musique “Incompatibilité” de Charles Baudelaire, on croyait désormais ça réservé aux rappeurs lettrés. Plus vraiment aux rockers trop préoccupés à produire des textes anti adhésifs et des musiques thermoformables mis au point en soufflerie radiophonique par les multinationales. DJRC a opté pour le français. La passerelle avec Bijou et les Dogs n’en est que plus pertinente. L’album débute par “Adorez-moi”avec ces mots : « Regarde un peu comme je m’adore, Vise un peu comme je me déteste… ». DJRC se fout de son propre narcissisme et “Dernier jour” conclut ledisque par ces mots : « Aujourd’hui, c’est peut-être le dernier jour, Aujourd’hui, peut-être la fin de l’amour, Aujourd’hui, c’est peut-être le dernier jour, Aujourd’hui peut-être la fin pour toujours » en boucle avec une grosse fuzz et la voix de Lalie Gali en contrepoint qui donne à cet ultime morceau des effluves de Limiñanas. Et entre les deux, Don Joe Rodeo Combo emmène l’auditeur dans un voyage au long cours où chaque escale nécessite d’ouvrir grand les yeux et les oreilles tant le son est épais et le propos profond. Qu’il est bon de se prélasser sous les rayons de soleil du Dernier jour.

Don Joe Rodeo Combo Dernier jour Pop Sisters Records

Face A

Adorez-moi
Au nord-ouest de Beverly Hills
Incompatibilité (Part 1)
Bourgeois

Face B

Tous ces morts
République
Disparaître
Incompatibilité (Part 2)
Dernier jour


Album disponible sur Apple Music, Qobuz, Spotify,
mais aussi et surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !


Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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