Foggy Bottom « Dans cet endroit »

Imperturbables, les Lorrains continuent de tracer leur sillon. Après le remarquable Une histoire à l’envers (2019), le trio devenu quatuor entretemps lance un nouvel album qui va faire date.

Le visuel du disque est d’une élégance rare. Un modèle du genre, une figure de style impressionniste, tout en sobriété. Sa puissance repose sur la couleur bleu roi. L’artiste ou le label s’arrache généralement les cheveux pour s’accorder sur la pochette d’un disque, il y a toujours un détail qui cloche. Les Chignoles qui ont composé le digipack et le livret intérieur ont réalisé une pochette qui sera recensée dans les futurs ouvrages d’art et de design. Sur la quatrième de couve du livret, est inscrite une citation de Shakespeare, “L’enfer est vide, tous les démons sont ici”, qui donne la tonalité de l’album. “À toute allure” ouvre le disque sur un arc-en-ciel à la façon de Dinosaur Jr pour une histoire de “vieux” couple qui se demande ce qu’il a fait de sa vie et qui décide enfin de réaliser ses rêves d’ailleurs. L’ensoleillement se poursuit avec “Match nul” qui raconte pourtant une séparation après cocufiage avéré. Pour “Le rond-point”, Foggy Bottom pose la question universelle du sens de la vie, pourquoi tourner en rond à vive allure pour n’aller nulle part ? À chacun d’y apporter sa réponse. “Sous la pluie” évoque une relation sous l’angle de la bipolarité comme si l’interprète de la chanson ne savait pas trop sur quel pied danser. Difficile ensuite de savoir de quoi il est question avec le morceau qui donne le titre à l’album, peut-être de paranoïa, ou alors d’égocentrisme voire d’affabulation. Il faudrait arpenter le cerveau de David Valli, chanteur – guitariste du groupe (ex Davy Jones Locker, ex Pore), en déroulant un fil d’Ariane pour connaître le fond de sa pensée. Avec la ravissante “Longwy”, balade automnale sur les remparts de la ville à contempler les ruines d’une industrie sidérurgique décapitée au nom du sacro-saint profit, Foggy Bottom dresse un haut-fourneau comme un tuba pour permettre à sa pop de respirer à travers une épaisse brume baroque. “Johnny belle gueule” est semble-t-il l’histoire d’une rédemption. Une prise de conscience certes tardive, mais salutaire. Le texte sibyllin de “Tout ce qu’on sait faire” est sujet à plusieurs interprétations selon l’humeur et le bout par lequel on le prend. La surprise vient de sa rythmique basse batterie à la manière des Thugs comme “La saison” ou “Celui que tu croyais” qui suivent, une couleur encrée par l’Angevin Camille Belin (Daria, L.A.N.E., Do Not Machine) qui a enregistré, mixé et produit le disque avec le groupe. Le style de Foggy Bottom s’apparente à Dinosaur Jr, My Bloody Valentine ou Swervedriver pour l’emballage avec cette brillante guitare tronçonneuse en accords ouverts. La voix acidulée de David Valli un peu noyée dans l’alliage sonique composé par la guitare et le clavier fait la différence, avec une fausse candeur, une vraie pudeur et une franche détermination. Cet album est une réussite totale.

Foggy Bottom Dans cet endroit Twenty Something/[Intégral]

À toute allure
Match nul
Le rond-point
Sous la pluie
Dans cet endroit
Longwy
Johnny belle gueule
Tout ce qu’on sait faire
La saison
Celui que tu croyais


Album disponible sur Apple Music, Bandcamp, Qobuz & Spotify,
mais aussi et surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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