Jean-Noël Levavasseur & Stéphane Cupillard « La saga des $heriff »

En ce qui concerne les artistes rock, en guise de rétrospective, l’heure n’est plus aux disques compilations, mais plutôt aux écrits. La France n’échappe pas au phénomène. Cette fois, c’est au tour des $heriff de passer à la casserole.

On ne peut pas vraiment parler de biographie à propos de la saga des $heriff racontée par eux-mêmes. C’est une histoire orale mise en pages par Jean-Noël Levavasseur et Stéphane Cupillard – le premier est journaliste, le second est patron des Établissements Kicking et commanditaire de l’ouvrage –. Les auteurs se contentent de retranscrire les propos des musiciens sans intervenir. Tout est livré brut de magnéto. Les fans des $heriff apprécieront les seules déclarations de leur groupe favori non réinterprétées par d’odieux journalistes au service du grand capital. Scindée en trois parties séparées par deux jolis cahiers photos couleur, La saga des $heriff débute par l’enfance des musiciens, ce qui donne une passionnante étude sociologique. Comment des gamins nés dans les années 60 en arrivent à prendre les guitares à l’adolescence alors que le punk vient de remettre les pendules à zéro ? De quels milieux sociaux sont-ils issus ? La première partie du livre s’attarde sur Vonn (prémices des $heriff), ce qui permet d’installer le cadre et notamment Montpellier qui s’avère finalement être un des sujets principaux de l’ouvrage avec le groupe lui-même. Montpellier, ce n’est pas Paris évidemment. Sans nourrir de complexe d’infériorité, les protagonistes n’ont de cesse de le rappeler à bien des égards, pour expliquer certaines différences qui avaient leur importance dans les années 80. Sont évoqués toutes les gloires locales, OTH en premier lieu. Ainsi que la garde rapprochée et les groupes frères : les Vierges, Tulaviok, The Hop La !Guérilla, Les Naufragés, les Clandestins… La salle Victoire, le studio Lakanal, les locaux de répètes, etc. La manageuse, Juliette, intervient aussi pour un chapitre qui se démarque de celui des musiciens par le style. Le manager actuel du groupe aussi fait une petite intervention, Stéphane Cupillard himself. Les garçons ne prennent aucune précaution oratoire, ils abordent tout et notamment la dope et l’alcool qui ont eu une importance capitale dans la vie du groupe, et même les dissensions et les tensions entre eux. Aucun coup bas, tout est dit, ouvertement. Ils reviennent sur la coupe Buddy Holly qui se déroulait à Angers, organisée par Black & Noir. Pour l’avoir déjà abordée avec Les Thugs dans le livre Radical History (Éditions Le Boulon, 2020), l’approche est différente même si tout le monde dit la même chose. On reparlera de la coupe Buddy Holly dans un livre sur l’histoire Black & Noir à paraître le 25 octobre 2024 aux Éditions Metro Beach (pas de raison que je ne fasse pas moi aussi mon autopromotion). Les membres des $heriff sont des personnages attachants. À travers leur histoire qui commence au début des années 80, on retrouve toute la faune punk française d’époque : les Rats, Parabellum, OTHCamera Silens, Kambrones, Bérurier Noir, bref, l’entourage du groupe, les amis. Très beau livre que doivent impérativement dévorer tous les fans du groupe, ils auront l’impression de prendre le thé assis au milieu des membres des $heriff pour boire leurs paroles, enfin, pour les lire plus exactement.

Jean-Noël Levavasseur & Stéphane Cupillard La saga des $heriff Kicking Books
(322 p., 26 €)

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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