« Logan Lucky » de Steven Soderbergh

Comédie jouissive dans laquelle le génie Steven Soderbergh fait beaucoup : réalisateur, monteur, chef op’. Parti à la retraite en 2013 avec une filmographie très dense (trentaine de films dont la palme d’or à 24 ans pour son premier film en 89), il avait besoin de se retrouver en sortant du schéma de production classique hollywoodien, déçu qu’il n’est pas eu d’appuis pour Liberace. Il a créé sa société de production, Fingerprint Releasing, pour s’affranchir des lois économiques auxquelles il est soumis en tant que cinéaste afin de trouver de l’autonomie. C’est tout à fait la trame de fond de Logan Lucky qui est un film d’émancipation et dont on doit sortir en se demandant : qui produit de la valeur, qui sont les idiots ?

Channing Tatum et Adam Driver incarnent deux frères ringards, issus de la famille Logan, connue pour avoir la guigne. D’ailleurs, l’histoire commence plutôt mal puisque Jimmy (C. Tatum), handicapé à la jambe, perd son boulot d’employé dans les bas-fonds d’un circuit Nascar en Caroline du Nord. Elément déclencheur puisque Jimmy va convaincre son frère Clyde, handicapé lui aussi et vétéran militaire, qu’il est possible de faire un joli coup en braquant ses anciens employeurs, tout du moins l’argent produit par la course Nascar lors de la célèbre course Coca Cola 600. Et pour récupérer une partie des gains produits par la société de consommation, Les Logan vont s’organiser en famille. Il y a un esprit de vengeance qui nait, accompagné d’une profonde sympathie pour les Logan, dont on est tout le temps solidaire, au moins à partir du moment où Clyde est moqué dans le bar dans lequel il est serveur. Les subalternes, les prolos, les moches vont renverser le rapport de force en unissant leurs forces et transgresseront la malchance, plein de billets de banque dans des sacs poubelle.

C. Tatum, R. Keough & A. Driver aka Jimmy, Mellie & Clyde Logan (Fingerprint releasing)

Le duo de « bras cassés » s’entoure de leur sœur Mellie, jouée par Riley Keough, beauté white trash que la bourgeoisie trouverait vulgaire mais dont Soderbergh prend soin de filmer loin du regard clicheteux qui donne aux actrices un rôle uniquement plastique. Mellie, coiffeuse, a l’intelligence spatiale, l’autonomie totale. Elle ne conduit pas, elle pilote. Une Ford Mustang. Les Logan récupèrent aussi Joe Bang (Daniel Craig), spécialiste des explosions, génie des bombes artisanales aux bonbons. C’est le personnage le plus Coenien du film et il apporte ses traits d’humeur, ses traits d’humour. Comme Bang est en prison, Clyde cherche une façon de se faire incarcérer pour le rejoindre et lui souffler le plan. Pourquoi pas défoncer une vitrine pour résoudre le problème ? Jouissif. Craig joue juste, c’est-à-dire qu’il joue bien, à contre-emploi précisément parce qu’il n’est pas James Bond, patronyme aux 4 lettres. Katie Holmes qu’on aperçoit dans quelques scènes a aussi son plus beau rôle. Comme quoi, quand on pense qu’un acteur ou une actrice joue mal, ce n’est pas tant sa responsabilité que celle de la direction donnée aux personnages par les réalisateurs, réalisatrices.

Logan Lucky est l’histoire d’un casse, thème de prédilection au cinéma, qui ravit les spectateurs puisqu’il offre une narration propre. Cela commence par la création d‘une équipe, une somme d’individus interdépendants aux intelligences multiples qui vont mettre en œuvre, avec rigueur et précision, un plan pour arriver à leur fin tout en déjouant les pièges ennemis. Un braquage au cinéma appelle toujours une forme de montage particulière. Soderbergh avait déjà donné dans la série Ocean, pourtant Logan Lucky est l’anti-Ocean, son opposé, le film ayant une identité beaucoup plus prosaïque et comique et parce que les Logan sont autodidactes en braquage. Les plans de Soderbergh sont souvent simples et d’une efficacité redoutable servis par un montage très fluide, un plan en appelant un autre. Les plans père-fille sont aussi simples qu’ils sont beaux, comme celui de l’introduction : après tout, avant d’être un braqueur, Jimmy est un père et un col-bleu, un prolétaire comme tant d’autres à qui Soderbergh redore le blason.

Logan Lucky
Réalisé par Steven Soderbergh, écrit par Rebecca Blunt
Avec Channing Tatum, Adam Driver, Riley Keough,
Daniel Craig, Hilary Swank & Katie Holmes


Florian Pons

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