Memphis Electronic « Memphis + Electronic = Memphis Electronic »

À en croire le nouveau livre de Didier Balducci sur lequel on reviendra très prochainement dans ces pages, le rock serait mort. Peut-être que le rock est mort, mais si on se fie à son nouvel album battant pavillon Memphis Electronic, on peut affirmer qu’il bande encore.

Après un superbe premier album sorti il y a tout juste deux ans et chroniqué ici-même, le sémillant Memphis Electronic, réputé Memphis Mao dans l’univers virtuel des zozos sociaux, revient avec un nouvel opus voué à devenir disque d’or, puis de platine et enfin, de diamant… dans un monde parfait. Mais on sait combien le monde est imparfait ; il ne participe qu’au présent, se moque complètement du passé, foule aux pieds le plus-que-parfait et se contrefiche du futur qu’il soit composé ou antérieur aux faits qui lui sont reprochés. Avec sa boite à rythmes, sa guitare, une clé de douze, trois bouts de scotch et quelques ustensiles de cuisine, le Chevalier de la Confrérie du Gnocchi au beurre de sauge fait des miracles. Son premier album défiait les algorithmes avec son titre kaléidoscopique : « One + One = One », cette fois, le Niçois est plus consensuel, moins provocateur puisqu’il déclare que Memphis + Electronic, ça donne Memphis Electronic, ce que personne ne contestera ; on ne peut que valider à défaut de cautionner. Mais si j’en trouve seulement un(e) qui ne cautionne pas, je lui envoie Lemmy pour lui réinstaller la lumière à tous les étages (ceux qui comprennent cette vanne ont gagné toute l’estime des Établissements Slow Show, mais allez-y mollo quand même, il nous en reste peu en stock, de l’estime). Ce disque, – que dis-je ? –, cette œuvre d’art, se décompose en trois
parties : un album de quinze titres relativement courts dans l’ensemble, un maxi composé de quatre longues plages qui s’étalent en 45 tours, les deux assemblés donnant un double album, mais Memphis Electronic préfère l’appellation d’album accompagné d’un bonus maxi ; et pour les plus snobs d’entre nous, les ultra fans, le troisième volet du triptyque est une carte postale vinyle pour un titre bonus qui nécessite d’être un minimum bricoleur pour l’écouter. Il est recommandé de déposer une enclume de 25 kilos sur la tête de lecture pour entendre quelque chose. D’ailleurs la chanson – à écouter en 33 tours malgré le format – raconte de façon prémonitoire : « I’m so far away, baby / That’s why the sound is so baaaaaad » précise Memphis Electronic, façon de se faire pardonner la piètre qualité d’écoute de la carte postale tirée à 50 exemplaires uniquement, mais les fans ne sauraient se dispenser de l’inédit gravé au burin dans le carton. L’objet est beau et tellement original. La pochette de l’album et la carte postale affichent des photos de Didier Balducci enfant. La soixantaine venue, le guitariste des Dum Dum Boys commence à faire le bilan de carrière avant de déposer son dossier auprès de la caisse de retraite. À vrai dire, il a commencé depuis longtemps avec ses livres, et Memphis Electronic s’inscrit dans ce processus de déconstruction / reconstruction de lui-même. Avec cette rafale de nouvelles chansons, Memphis Electronic fait ce qu’il a toujours fait avec tous ses groupes (Dum Dum Boys, NON !, Die Idiots, XYZ et sûrement quelques autres, désolé, je n’ai pas le temps d’entamer des fouilles archéologiques), un mix de VelvetStoogesAlan Vega pour parer au plus pressé. Cette fois, il se frotte à d’autres matières qui lui vont comme un gant et surtout, qui révèlent quelques-unes de ses autres marottes comme le glam rock. Et pour une fois, lui qui n’a jamais composé que pour le plaisir de l’instant, a écrit quelques chansons qui sont de purs joyaux pop qui pourraient bien cartonner en radio si jamais elles trouvaient le chemin des play-listes. Je mets de côté le très Lou Reedien « Knocked Out Twice » qui ne dure que 51 secondes, trop peu pour accéder à l’antenne à moins qu’un producteur bien avisé ne s’en empare. Les deux chansons qui accrochent l’oreille aux premiers accords, ce sont surtout « Hit Record » et « Disco Girl », deux morceaux à l’intitulé parfait pour mener carrière au cinéma, à la télé, en discothèque, en radio ou chez Madame Claude (biffer les mentions inutiles, et non pas biffler bande de saligauds), deux bonbons. « Hit Record » participe aux agapes données en l’honneur de Lou Reed, des Stooges et des Runaways avec, au service, les Rolling Stones en soubrette. Et « Disco Girl » est calibrée pour les discothèques du début des années 80 à Berlin et à Paris. Sortie en 1982, cette chanson aurait fait le tour du monde comme une trainée de poudre… Si je puis me permettre. Il n’est pas trop tard pour bien faire. Le maxi est effectivement un bonus dans la mesure où il propose quatre morceaux légèrement différents de l’album. D’abord par leur longueur qui, au final, lui confèrent la dimension d’un album. Là, on est sur des titres plus psychés, plus velvetiens, plus aériens, plus orchestrés, des chansons qui démontrent que Didier Balducci est un grand compositeur quand bien même il fait tout pour s’en défendre et niera en bloc devant un jury populaire. Comme tout ce qu’il entreprend, il donne l’impression de faire ça avec désinvolture, alors qu’à l’évidence, c’est un stakhanoviste méticuleux à tendance obsessionnel. Je pourrais déblatérer longtemps sur ce disque qui fait se croiser Dylan et Reed sur une rythmique Suicidaire par instants ; je pourrais évoquer les reprises, mais à quoi bon ? Ne vous en laissez pas compter, écoutez cet album si vous ne voulez pas finir vieux con. Définitivement, un des grands albums de cette année, et les snobinards qui se seront précipités fort judicieusement comme des morfalous sur la carte postale vinyle savent déjà qu’ils détiennent un trésor.

Memphis Electronic Memphis + Electronic = Memphis Electronic Mono-Tone Records

Face A

Drowning In The Sea of Love
Hit Record
Into The Mystery
Everybody Wants To Be a Dum Dum Boy
But Nobody Can
That Glitter Beat
She Says
Knocked Out Twice
Living With You (is Gonna Be Hell)

Face B

Disco Girl
Glamorama
I Love You Baby (But Not That Much)
Do It / Nothing Can Stop The World
Nobody Cares

Bonus Maxi 12”
Face C

The Chemistry of Love
The Geometry of Innocence

Face D

The Beat & The Sound
One More Song

Carte postale vinyle (édition limitée 50 exemplaires numérotés)

The Postcard Song


Album disponible sur Deezer & Spotify,
mais aussi et surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !


Critique et écoute de l’album
One + One = One (2021)

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Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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