Nasty S And The Ghost Chaser « Waiting For The Last Gasp Of My Generation »

La crise de la quarantaine signifie profonds changements, voire bouleversements, mais elle procure aussi certains petits plaisirs. Prenez Nasty Samy, un garçon au CV long comme le bras, il s’est replongé dans son coffre à jouets pour élaborer un album de reprises parmi ses chansons préférées au monde. Ici, à Slow Show, on valide sa sélection oreilles grandes ouvertes.

Le Digipack est accompagné d’un livret d’une quarantaine de pages où Nasty Samy explique de quelle façon il a été confronté à la musique jusqu’à devenir musicien. Il retrace son parcours initiatique pour expliquer les morceaux sélectionnés dans le cadre de cette compilation. Quinze titres, quinze tubes. Tous datant des années 80 et 90, période correspondant à son adolescence. Passés entre ses mains, on était curieux de voir ce que ça pouvait donner avec certains morceaux qui semblent éloignés des préoccupations des groupes auxquels il a participés jusque-là (liste sur demande contre 3 timbres). Quand il s’attaque aux tubes des Supersuckers, de Dramarama ou des Hard-Ons, il est dans son domaine de compétence. Mais entamer cette rétrospective par “Sex Beat”, de sa part, c’est gonflé. D’autant qu’il se réapproprie le morceau pour une magnifique version et je pèse mes mots tant cette chanson est sacrée. D’entrée de jeu, il met tout le monde d’accord. Et après, le gars déroule des tubes en pagaille. Je ne connais personnellement ni des lèvres ni des dents Samhain, je m’attendais à une bouillie de boudin et lui, il prend le contrepied et sort la guitare acoustique pour une bluette. Note que c’est peut-être une bluette à l’origine, je n’ai pas été vérifier, ma platine refuse de se livrer à des cérémonies satanistes. Quand il rend hommage à Pegboy, il pousse le mimétisme à “imiter” la voix toile émeri de Larry Damore pour une sublime version de “You Fight Like a Little Girl”. Il procède de la même façon avec la reprise de Jawbreaker. À sa façon, Nasty Samy redonne des lettres de noblesse à des groupes ou des artistes qui auraient mérité beaucoup plus de notoriété pour la plupart. Morrissey, Smiths, Therapy ?, Joy Division, House of Love ou Lemonheads mis à part, le reste de la troupe n’est connu que des seuls fans. Malgré la diversité des groupes repris, cet album est parfaitement homogène et très bien structuré, c’est mieux qu’une réussite, c’est un petit bijou de compilation, c’est très convaincant. Pour preuve. À sa sortie, j’aimais beaucoup “Shine On” tiré du premier album de House of Love, mais de là à conserver le disque chez moi, ça n’aurait eu aucun sens. J’ai brûlé l’album en place publique avant qu’il ne contamine ma collection de disques, et bien ça fait très plaisir de retrouver cette chanson sous cette forme 34 ans plus tard. Ce qui est marrant,
c’est qu’à la suite de “Shine On”, Samy envoie une “S.F.S.” de Dag Nasty qui fera la pige à de nombreux groupes autoproclamés punk rock. L’interprétation est une chose, encore faut-il en saisir le mot et l’esprit, et là, en l’occurrence, on est pile poil dedans. Nasty Samy n’est pas nourri que de musique, mais aussi de cinéma, de dessin ou de littérature parmi d’autres disciplines. Sa culture lui permet d’aborder un style, un genre, en tenant compte de tous ses tenants et ses aboutissants, qu’ils soient artistiques, sociaux, culturels ou politiques. Le disque se referme par une version surf surprenante de “Transmission” de Joy Division. Écoutez cet album avant qu’on se fâche !

Nasty S & The Ghost Chasers Waiting For The Last Gap of My Generation Twenty Something/PIAS

TRACKLIST :

The Fire Within (ouverture)
Sex Beat (Gun Club)
Creepy Jackalope Eye (Supersuckers)
Work For Food (Dramarama)
The Last of The Famous International Playboy (Morrissey)
Rudderless (Lemonheads)
I Do, I Do, I Do (The Hard-Ons)
To Walk The Night (Samhain)
The Last Goodbye (Agent Orange)
Hang Around (Tumbleweed)
You Fight Like a Little Girl (Pegboy)
Oyster (Jawbreaker)
Shine On (The House of Love)
S.F.S. (Dag Nasty)
Nausea (Therapy ?)
Transmission (Joy Division)


Album disponible sur Bandcamp & Spotify,
mais aussi et surtout, chez tous les bons disquaires indé’ !


Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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