« The Hellacopters » par Rudy Charis

Où j’en apprends de belles ! Notamment que j’ai assisté — entre autres — au tout premier concert des ‘Copters sur le sol français, le 6 février 1998 au Pez-Ner à Lyon, et au tout dernier également, dix ans plus tard, le 17 septembre 2008 à Clermont-Ferrand, à La Coopérative de Mai à l’occasion de leur tournée d’adieu. Et encore, je ne dis pas tout, je sais tenir ma langue…

Cette toute première biographie bienveillante consacrée au bouillant gang suédois est sous-titrée Du kérosène dans les veines pour inoculer le venin et mettre une bonne ambiance. Elle est signée d’un fan, un Lorrain, un gars de Pont-à-Mousson. Rudy Charis a rencontré les membres du groupe ainsi que de nombreuses personnalités de leur entourage pour recueillir leurs témoignages dont ceux du premier tourneur des ‘Copters pour l’Hexagone, Jean-Luc Jousse (Jostone Traffic), Laurent Ciron (Dogs), Lo Spider (Jerry Spider Gang), Antoine Boyer (The Elektrocution) ou Stéphane Robert (Groovy Eyes et Dig Records) pour les Français. On retrouve également un reportage de 1999 publié dans le fanzine toulousain Dig It et rédigé par le rédacteur en chef, Gildas Cosperec, couvrant deux dates espagnoles (Barcelone & Madrid) des ‘Copters en compagnie du Jerry Spider Gang.
Le livre revient longuement sur les motivations qui ont permis aux ‘Copters de rester actifs durant quatorze ans, de 1994 à 2008. C’étaient avant tout et surtout des fans de musique. Leur but n’a jamais été de rafler le jackpot, même s’ils n’auraient pas craché sur un peu plus de reconnaissance. Du moment qu’ils pouvaient enregistrer, donner des concerts, boire des coups et faire la fête, ça suffisait à contenter leur appétit féroce de rock’n’roll. Leur séparation est principalement due à des envies naturelles et légitimes de faire autre chose, d’évoluer et surtout, le chanteur était las de tourner, préférant rester tranquille chez lui à composer et enregistrer.

The Hellacopters. Photo by Ola Bergman.

Le groupe a énormément évolué depuis les débuts garage-punk façon MC5 Kick Out The Jams dans-ta-gueule-motherfucker pour aller vers un rock stonien ou même un heavy rock à la Kiss, le groupe qui a tout déclenché chez Nicke Nick Royale Andersson, le fondateur des ‘Copters alors qu’il était encore chanteur-batteur d’Entombed, groupe métal très en vogue. Nicke voulait se tourner vers quelque chose de plus radicalement rock’n’roll. Quelque chose qui se situerait entre les Sex Pistols et Kiss… Tu parles Charles ; c’est parti en sucette cette affaire pour rapidement glisser vers un hi-energy rock’n’roll comme les gangs de Detroit le pratiquaient durant la seconde moitié des 60’s. Pour l’accompagner, il s’est acoquiné avec des roadies d’Entombed. Il a commencé par gratouiller avec Dregen, par ailleurs guitariste de Backyard Babies. Kenny Hakansson, l’ami d’enfance de Nicke, fin lettré, se verra attribuer la basse alors que Robert Eriksson sera délégué à la batterie puisque Nicke tiendra le front de scène à la guitare et au chant. Les ‘Copters ont mis un peu de temps à décoller, mais une fois que c’est parti, Nicke a dû choisir entre Entombed et Hellacopters. Le même choix cornélien s’est imposé à Dregen en 1998, il a privilégié Backyard Babies. Ce qui a fait dire à de nombreux fans de la première heure que les Hellacopters ont perdu gros à son départ. Il est vrai qu’avec sa dégaine glam et son jeu de scène spectaculaire, il en imposait alors que Nicke, éternelle casquette vissée sur le caillou pour couvrir une chevelure filasse, reste sagement planté derrière le micro comme s’il attendait le bus sous une pluie battante. Dès le second 45 tours, le pianiste Anders Boba Fett Lindström les rejoint et se chargera même des parties guitares en studio au départ de Dregen en attendant un nouveau gratteux à temps complet. Avant l’arrivée de Robert Strings Dahlqvist pour être précis. L’auteur propose de nombreuses fiches d’identité de tous ceux qui gravitent autour du groupe ou qui l’ont inspiré. Son jeune âge et l’absence de corrections expliquent quelques coquilles et quelques approximations qui fort heureusement ne plombent pas trop le texte, mais qui auraient pu être évitées avec une relecture. Le texte est aéré et abondamment illustré par des photos personnelles des membres du groupe. Les 500 pages se boivent comme un single malt du meilleur tonneau.

Rudy Charis ne s’arrête pas à la fin des ‘Copters. En guise de points de suspension, il poursuit avec la période post-Hellacopters consacrée aux nouveaux projets de chacun des membres pour insister sur le fait que les ‘Copters ne sont qu’une étape, pas une fin en soit. Le rock’n’roll continue… La preuve, pour les vingt ans du premier album Supershitty To The Max (White Jazz, 1996), le groupe se reforme pour un concert unique lors d’un gros festival en Suède en juin 2016, le Sweden Rock à Sölvesborg, une sorte de Hellfest viking.
Gotta get some action ! Now !

The Hellacopters, Du kérosène dans les veines de Rudy Charis
(492 p., 32 €) (Camion Blanc) en vente par ici.