Johnny Casino « Vibrations Yours and Mine »

Le vénérable chanteur guitariste australien revient avec un nouvel album loin de ses envolées soniques d’alors et pourtant si proche de ses racines.

Johnny A. Spittles a fait des éclats au sein des monstrueux Asteroïd B612 (un des dix meilleurs groupes rock australiens de tous les temps, étonnamment peu connu chez nous) et des Egos, sans parler des Johnny Casino’s Easy Action qu’il a montés à Philadelphie ou de Johnny Casino & The Secrets (avec la crème du rock australien). Et tous les autres, il faudrait rédiger une anthologie en 12 tomes pour faire le tour du sujet.
Bref, Johnny Casino a élu domicile en Espagne depuis quelques années par amour et il ne s’en porte pas plus mal à en juger par ses productions. Il lui arrive de jouer régulièrement en bar équipé de sa seule guitare acoustique et de sa voix. Il lui aurait été facile d’enregistrer un album live dans ces conditions. Mais il avait envie de rajouter des petites bricoles. Il a demandé à un copain de venir mettre la pedal-steel, pour le reste, Johnny s’en est chargé. Il est entré au Estudio Tigruss à Els Poblets au sud de Valence sur le littoral méditerranéen. En 4 heures, il a enregistré Vibrations, Yours and Mine en condition live, onze titres dont une majorité de reprises. Des chansons qui l’ont marqué et qui devraient nous toucher à en croire le titre du disque.
Ça commence par “I Hear You Calling” empruntée à Time of the Last Persecution, l’album de plus connu de Bill Fay sorti en 1971. Bill Fay a été une étoile filante britannique. Il a été repéré par Terry Noon (Them) et n’a sorti que deux disques à l’époque. “Postcards” a été composée par Johnny à la période de Noël pendant que sa compagne rendait visite à ses parents. Johnny, seul à la maison, s’imaginait se baladant main dans la main avec sa bien-aimée pour une jolie country folk veloutée. Avec la “Ghost Ships” des Saints, un tube en Australie en 1984, il rend hommage à son vieux pote Macca (Onyas, Cosmic Psychos) qui jouait souvent ce morceau en acoustique quand ils partageaient le même appartement. “Cerca Pero Tan Lejos” qu’on traduira par “proche et si loin en même temps”, est un country instrumental bucolique. Johnny avait ce très joli gimmick à la guitare dont il ne savait que faire. Dans le même temps, confiné en Espagne, il apprenait la disparition d’amis éloignés. Ce morceau leur est dédié. “I Scare Myself” provient des Américains de Dan Hicks & His Hot Licks, un titre de 1969. C’est Michael Wilhelm avec qui Johnny a tourné aux USA qui lui a fait découvrir cette chanson. Vient ensuite le tour de “Dropping Like Flies” des New Christs dans une version profondément remaniée puisque de l’originale sous haute tension électrique, Johnny en offre une lecture toujours country folk extrêmement apaisée. Deux salles deux ambiances tout à fait compatibles pour un titre qui ne perd rien de son intensité une fois l’ampli éteint. Puis vient le tour de “Trouble Weighs a Ton” de Dan Auerbach (The Black Keys) avant “Hit The Ground Running” provenant de l’album Time and Time Again de Johnny Casino accompagné de The Secrets. Comme il a joué cette chanson sous les deux configurations, en groupe et en solo, là, il en donne une version plus dépouillée, plus dramatique. “Sundown” date de 1974, à l’origine publiée sur l’album Sundown du Canadien Gordon Lightfoot. Pour Johnny Casino, “Wichita Lineman” chantée par Glen Campbell en 1968, mais écrite par Jimmy Webb, est peut-être la plus grande chanson de tous les temps. Il l’interprète avec gravité et dignité. Campbell était originaire d’Arkansas, en entendant ce titre, on est véritablement plongé dans le sud des USA, le cagnard cogne et les crotales croassent. Dès la fin du morceau, on se rue dans le premier saloon pour mouiller la meule afin d’écarter tout risque d’insolation. Vibrations se conclue sur un morceau de notre hôte, déjà publié sur Time and Time Again, “Tears in a Town She Calls Home”. La chanson raconte la liaison qu’ils entretenaient avec sa compagne espagnole alors que Johnny vivait encore en Australie. Ils se voyaient une à deux fois par an, pas terrible pour la vie de couple.

Avec cet album, Johnny Casino expose la part romantique du vrai rocker qu’il est. Simplement beau.

Johnny Casino Vibrations Yours and Mine La Vila Nova Recordings/Golden Robots Records/Beluga Records

Face A

I Hear You Calling
Postcards
Cerca Pero Tan Lejos
Dropping Like Flies

Face B

I Scare Myself
Ghost Ships
Trouble Weighs a Ton
Tears in a Town She Calls Home
Hit The Ground Running
Sundown
Witchita Lineman



Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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