LANE « Where Things Were »

Ainsi se termine une jolie histoire avec Where Things Were ou l’album posthume de LANE (Love And Noise Experiment) comme on l’appellera à l’avenir. En moins de quatre ans d’activité, le quintet angevin aura borné son fructueux parcours d’un EP et trois albums, dont ce Where Things Were qui ouvrait de belles perspectives pour un avenir radieux, mais la vie en a décidé autrement.

Dès le départ, LANE bénéficiait d’un crédit sympathie appréciable avec, à son bord, deux ex-Thugs : Éric Sourice et son frère Pierre-Yves, associés aux frères Camille et Étienne Belin de Daria, et au fils de Pierre-Yves : Félix, aujourd’hui batteur de Fragile. Sur le papier, admettez que le casting est royal, encore faut-il que le ramage se rapporte au plumage pour être le Phénix des hôtes de ces bois. LANE frappait fort avec des concerts marquants et des disques soufflant force 12 sur l’échelle de Beaufort. Puis le Covid est passé par là… Avant de tirer sa révérence, le groupe a composé un nouvel album sans savoir encore que ce serait le dernier en l’enregistrant. Comme tout doit disparaître (en vertu d’un principe visiblement immuable chez les Angevins), le quintet n’allait pas laisser ces bandes prendre la poussière dans la boite à souvenirs. Il a donc choisi de les mettre en circulation et tant pis s’il ne peut les défendre sur scène. Au moins, ça atténuera le chagrin des fans en peine. Comme le titre du disque l’indique, on reprend les choses où elles en étaient, c’est à dire au stade des démos pour des versions quasi terminées, dont on ne voit pas bien ce qu’elles auraient gagné à être enregistrées dans un studio plus cossu. C’est Camille Belin, le batteur, qui s’est chargé de toute la logistique comme pour le EP Teaching Not To Pray et le premier album, A Shiny Day, qu’il a fait en collaboration avec l’ingénieur du son du groupe, Tesh. Le deuxième album, Pictures of a Century ayant été enregistré quant à lui par l’inamovible Michel Tolédo. Et comme à chaque fois, c’est l’Américain Dan Coutant qui a masterisé l’objet. On retrouve LANE pour des morceaux avec de la profondeur, de l’épaisseur et de la mise en perspective. En plus de sa voix identifiable entre mille, Éric Sourice donne du sens aux chansons rien qu’à l’intonation qu’il leur donne. Sur « Tchernobyl », longue plage instrumentale positionnée en fin de face A, LANE joue calmement, en installant une ambiance, une atmosphère polluée comme le titre du morceau l’indique. On se laisse bien volontiers irradier, le genre de titre qui peut accompagner toute sorte d’activité malgré l’air vicié qu’il est censé dégager, de la balade en sous-bois jusqu’à la croisière en voilier en passant par des pauses tendresse. LANE a la particularité d’avoir trois guitaristes, autant dire que le mur du son est dressé de part et d’autre du disque avec de jolies guitares soutenues par une basse batterie amirale. La basse ne concède jamais de terrain aux guitares, elle les porte et les guitares s’appuient sur elle pour consolider leur jeu et sulfater au large. Camille valorise aussi la batterie. Comme c’est lui qui enregistre et qui produit, il ne va pas se gêner, tout en mettant bien la voix d’Éric en évidence sans masquer la forêt instrumentale et en prenant garde de ne pas la noyer dans les guitares. Pour « Painted White », il adopte une rythmique ferroviaire en clin d’œil à Christophe Sourice, ce qui donne un côté « thugsien » au morceau. LANE est la synthèse de trois générations musicales, chacune enrichissant l’ensemble de ses acquis et de son expérience pour une forme de power pop rock généreuse avec une touche légèrement « emo » (terme employé ici à dessein pour aguicher les jeunes lecteurs). Merci messieurs pour ces beaux concerts et ces disques remarquables dont ce magnifique Where Things Were qui n’a pas fini de nous tirer les larmes. Le mot de la fin à « Deadly Kiss » le bien nommé, une pop song en guise de baisser de rideau certes un peu brutal dans sa formulation, façon de dire au revoir à l’auditeur comme on fait coucou de la main quand le train quitte le quai…

LANE Where Thing Were Twenty Something/[Intégral]

Face A

Nice Shot
Sunday Night
Vermilion
Blue Mountains
Tchernobyl

Face B

Shame
Charlie Brown
Painted White
Elliott Bay
Deadly Kiss


Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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