Niandra Lades « Night Funeral »

Niandra Lades "Night Funeral"

Chroniquer le deuxième album de Niandra Lades s’avère être une étrange expérience, aussi jubilatoire que complexe, au moment de passer à l’acte. J’ai vu naître ce groupe, il y a quelques années de cela, j’ai passé des heures et des heures, plutôt drôles d’ailleurs, à refaire le monde en buvant des bières avec l’ami Alexandre, leader totalement assumé de Niandra Lades, et surtout à me marrer devant son aplomb et sa vivacité d’esprit. Pourtant, avec des titres aussi marquants qu’ « Oh, Sun », « Yo-Yo » ou « Birds », sortis en grande pompe en 2013, et avant, sur un premier EP déjà très prometteur, c’est avec beaucoup de précaution que j’accueille cette musique sensible et mélancolique, fortement marquée par de grands messieurs du Folk et du Rock indépendant, Elliot Smith en tête.

Une grande respiration et me voilà prêt à mettre des mots sur ce LP, dense et électrique, parfois aride pour ne pas dire rugueux et en même temps, empreint d’une douceur vaporeuse extrêmement touchante.
« Yuk-Ae » ouvre le bal. Les voyants sont volontairement dans le rouge: les guitares se débattent dans un océan de distorsion, la voix angélique et faussement adolescente d’Alexandre survole ce magma sonore, alertée par d’étranges chœurs aussi excessifs qu’excitants. Niandra Lades pourrait n’être que l’objet récréatif de notre chanteur adoré, mais plus que jamais, il est le terrain de jeu d’un collectif, habile et aventureux, capable en quelques instants, de bouleverser les cinématiques nuances d’un seul et même morceau. Mais que viennent faire là ces cordes pincées qui signent comme un clin d’œil, cette première plage lancinante et abrasive?
Comme pour me rassurer, le second titre qui donne son nom à l’album, me rappelle que Niandra Lades sera toujours un groupe Pop. Le chant m’évoque étrangement un classique oublié, sur lequel ma mémoire fait défaut (mais ça me reviendra). C’est une certitude, Niandra Lades est un groupe de fans de musiques Rock indépendantes, qui prend plaisir à jouer pour rivaliser avec ses idoles de jeunesse et ses coups de cœur du moment. Toute la difficulté pour ce mystérieux navire à géométrie variable, est alors de surmonter la tentation de la révérence pour basculer justement dans l’irrévérence. Sur les premières plages, se mélangent ainsi allégrement et sans retenue, les Pixies, Chokebore, les Wings de Paul McCartney, Mogwai, Yuk, Sun Kill Moon et tous les groupes en « nothing » : Cloud Nothings, Wild Nothing, Nothing ou Bored Nothing. Je pourrais même citer les voisins de palier, pour ne pas dire plus, The Delano Orchestra et Garciaphone, qui, par l’élégance et la justesse de leurs sorties, ont, à n’en point douter, poussé au cul, notre combo du jour.
Attention, ce long format ne sombre jamais dans les pièges de l’exercice de style. Car, insidieusement, plus le tracklisting avance, plus le disque installe une humeur étrange et contrastée, qui navigue entre contemplation et catharsis. A l’image de la pochette de Night Funeral, Niandra Lades me transporte dans le tourbillon d’une troublante nostalgie aussi musicale qu’émotionnelle comme sur le très beau « Ready ». Comme toujours, il y a les mots qui construisent une narration poétique presque pudique, mais bien au-delà, la tension électrique, les intonations, les ruptures rythmiques me racontent cette peur du temps qui passe, nous rapprochant chaque jour de l’inéluctable, avec son lot d’épreuves et de peines, mais aussi de joies (« Crows »).

Effectivement, le Rock pourra toujours être assimilé à cet enfantin (et salutaire) refus de grandir. Mais voilà, en route vers une maturité certaine, notre groupe impose des choix artistiques finalement personnels, capables d’osciller entre une trompeuse nonchalance (« Carvalhal ») et un incendiaire lâcher-prise (« In the Blizzard »). De manière complètement flagrante, les deux brûlots qui clôturent cet effort studio (« Moutain M » et « Soldiers ») attestent avec encore plus de force, de l’authenticité qui anime la musique de Niandra Lades. Sans être l’album de l’année, Night Funeral est une œuvre bienveillante, qui laisse des traces aussi infimes soient elles et ne peut foncièrement pas laisser indifférent les âmes sensibles comme votre serviteur dévoué.

Niandra Lades Night Funeral Kütu Records
Site web de Kütu et page Facebook de Niandra Lades.

TRACKLIST:

Face A

Yukae
Night Funeral
Carvalhal
Am I Ready ?

Face B

In The Blizzard… You !
Crows
Uneasy
Soldiers
Mountain M.



Album également dispo’ en écoute intégrale sur Spotify par ici.


Laurent Thore

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