NOFX & Jeff Alulis « NOFX, baignoires, hépatites et autres histoires »

Mieux que l’hagiographie d’un groupe majeur de la scène californienne depuis 35 ans, ce livre intense est une remarquable étude sociologique punk au sens large même si le punk n’est finalement que prétexte. Apprécier ou non musicalement le groupe n’a strictement aucune importance. L’exercice s’avère plus proche du documentaire d’esprit Trainspotting (de Irvine Welsh, Au Diable Vauvert, 1993) que du mémoire universitaire.

L’auteur a engrangé des heures d’interviews durant lesquelles chaque membre du groupe se raconte depuis l’enfance, en alternance et par ordre chronologique. On redécouvre le Los Angeles malsain et dangereux des années 80. Dès l’adolescence, pour chacun des membres du groupe, tout n’est que dope, alcool, sexe, pipi caca, violences, viols, gangs et blagues potaches. S’ils s’en sortent presque sans encombre, c’est grâce à la construction d’une famille et grâce à la musique en général et à NOFX en particulier, et à l’espace de liberté que leur permet le groupe. Leur cour de récréation. Mike, le chanteur bassiste, avoue son penchant naturel pour le SM qu’il pratiquait avec sa femme avec qui il a monté le label Fat Wreck Chords. Le titre de l’album S&M Airlines (Epitaph, 1989) était très premier degré contrairement à ce qu’on pensait à sa sortie. Après s’être séparé de madame, Mike s’est mis en couple avec une maitresse femme qui le fouette à sa guise. Le batteur évoque son addiction avec d’autant plus de solennité qu’il en a miraculeusement réchappé tout en restant en sursis en permanence et combien il est dur pour lui de ne plus faire la fête après les concerts au risque de replonger comme il est aussi pénible de voir ses potes se coller de gros rails dans le pif devant lui sur scène, ce qui entrainera des prises de tête épiques. Le livre parle peu de musique finalement.
Mike ne cache pas que NOFX a largement bénéficié du succès de Nirvana en 1991 et plus encore de ceux de Green Day et Offspring ensuite. NOFX a vendu des millions d’albums et a tourné dans le monde entier sans jamais avoir eu besoin de signer sur une major compagnie. C’est une de ses plus grandes fiertés. Le groupe permet à chaque membre de vivre très confortablement et de développer des activités annexes, pas toujours très rentables.
Mike aborde également son engagement politique avec la campagne qu’il a lancée en 2004 contre la réélection de George W. Bush et pour inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales avec son mouvement Punk Voter. Il fut même reconnu par le clan démocrate comme un membre actif de la campagne, notamment avec les deux compilations Rock Against Bush (Fat Wreck Chords, 2004) sorties à quatre mois d’intervalle.

Bref, ce livre est un parfait témoignage dans le même esprit que les excellents Take My Life, Please de George Tabb (Corde Raide, 2006) et Déviations de Aaron Cometbus (Corde Raide, 2008).

NOFX & Jeff Alulis NOFX, baignoires, hépatites & autres histoires Et mon cul c’est du tofu?
348 pages, 22 €

Version originale (2016, Da Capo):
NOFX: The Hepatitis Bathtub and Other Stories

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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