Paul Milhaud « Nous étions de jeunes punks innocents »

Il est de notoriété publique que Paul Milhaud est un redoutable guitariste rock. Mais il passe aussi pour être un disquaire incontournable à Marseille après l’avoir été à Paris, et maintenant, en plus, il se révèle auteur, aussi à l’aise à l’écrit qu’en musique, et largement aussi talentueux.

Jamais titre de livre n’aura aussi bien résumé son contenu et son esprit. Tout est dit en six petits mots. D’ailleurs, on pourrait s’en contenter en guise de chronique, de ces six petits mots. Admettez tout de même que Nous étions de jeunes punks innocents, ça donne envie. L’auteur, originaire d’Aix-en-Provence, nous raconte son initiation à la musique et son parcours depuis 1977. Il n’évoque avec cet ouvrage que son entrée dans le monde féérique du rock’n’roll et l’histoire de ses deux premiers groupes qui le conduisent d’Aix-en-Provence à Paris : Spoiler et Savage Circle, nom inspiré par les Ruts. On constate d’ailleurs que Ruts, Stiff Little Fingers et Clash constituent son principal régime alimentaire à l’époque. Ce livre s’arrête à la fin de Savage Circle, à Paris. Ce que fera ensuite Paul Milhaud est déjà plus connu et fera bien évidemment l’objet d’une suite à ce premier témoignage. Qu’il s’agisse des groupes remarquables auxquels il a participé : Holy Curse, Keith Richards OverdoseIrritones ou, celui en activité, No Jazz Quartet, auteur d’un très beau premier album chroniqué ici même, ou de ses magasins de disques : Sonic Machine, une belle petite échoppe dans le XIème à Paris, ou Lollipop Music Store, incontournable café disquaire situé dans le VIème à Marseille qu’il tient avec son complice Stéphane Signoret (Neurotic Swingers, Pleasures), Paul Milhaud ne s’est jamais écarté du rock en maintenant toujours une éthique et une conscience politique exemplaires. Un garçon intègre avec de nobles valeurs. Son seul nom est gage de qualité. Quand il est impliqué dans quoi que ce soit, personnellement, j’adhère sans me préoccuper de savoir de quoi il retourne. D’emblée, je lui accorde toute ma confiance, et il ne m’a jamais déçu. Après musicien et disquaire, le voilà donc auteur. Il écrit comme il joue de la guitare, droit au but comme disent les Marseillais – celle-là, c’est pour le taquiner puisqu’il déteste le foot –, seule l’histoire compte, mais l’histoire naturelle, pas la mythologie botoxée pour flatter l’égo. C’est pas Versailles ici ! Il raconte avec humour, finesse, humilité et discernement, son parcours d’adolescent né en 1962, passionné de musique et qui, en 1977, se prend le punk en pleine figure. Sa vie s’en trouve bouleversée comme celle de beaucoup de gens de son âge à l’époque pour qui le rock’n’roll était plus qu’un loisir, une passion ou un art de vivre, c’était leur unique raison d’être. Début des années 80’s, comme de nombreux artistes et
musiciens, avec les gars de Spoiler, Paul décide de « monter à Paris » selon l’expression consacrée, pour faire carrière. Le doux rêve a été de courte durée, ce qui ne l’a pas découragé pour autant, il a persévéré. Il nous raconte des anecdotes croustillantes, marquantes d’une période révolue. Entendre parler de Gaétan Zampa dans un livre sur le rock, j’avoue que là, il m’a cloué sur pieds. Zampa était un mafieux marseillais mondialement connu qui, pour blanchir le pognon de la French Connection dont il était un des parrains, avait notamment un célèbre établissement de nuit à Aix-en-Provence où Spoiler s’est produit. Il raconte aussi comment un Johnny Thunders chargé à bloc les a snobés alors que le guitariste de Spoiler venait de le dépanner en lui prêtant son Fender Twin Reverb. Bref, plus qu’un témoignage, ce livre est aussi une formidable étude sociologique. Vous savez ce qui vous reste à faire.

Paul Milhaud Nous étions de jeunes punks innocents Melmac Éditions
(238 p., 16 €)

Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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