Sclavine « Money or Love »

Insaisissable Sclavine. Après un remarquable premier EP encensé par la critique, le duo composé de Véronique Guillot et Laurent Margerin nous propose un superbe premier album bordé aux quatre coins.

Dotée d’une formidable voix modulable, Véronique Guillot se permet d’osciller entre diverses tonalités sans jamais exagérer, tout dans la nuance. Elle fait le lien entre Debbie Harry, Annie Lennox (« Nothing On The Horizon »), Isabelle, Odile et Caroline des Calamités (« Si tu crois »), Doris Le Mat-Thieulen (Dickybird, Grand Final) et Catherine Ringer. Sclavine n’a peut-être pas l’exubérance d’un Fred Chichin, mais le duo compense par un tempérament résolument rock. Il fait bonne figure entre Rita Mitsouko et Grand Final, un concept difficile à imaginer pour les esprits obtus, mais tout à fait concevable pour celles et ceux qui gardent les oreilles et l’esprit grands ouverts. L’hommage au couple mythique Gena Rowlands et John Cassavetes (« Gena and John ») est un exercice vocal que pourrait pratiquer Catherine Ringer par exemple, c’est exactement dans ses cordes avec ces variations de tonalités qui, quand elles descendent dans les graves, renvoient à Doris Le Mat-Thieulen qui, elle, pourrait s’emparer de « Alone » qui se trouve exactement dans sa tessiture. La splendide « Money or Love » rappelle quant à elle Daisy Chainsaw, probablement dû au fait que les mots « money » et « love » reviennent en boucle, mais inversés – c’est « love your money » chez Daisy Chainsaw –, d’autant que la basse tape fort et que le chant est envoûté. Et, en guise de contrepied, Sclavine a opté pour « Si tu crois » en clip, un morceau qui aurait eu fière allure dans le répertoire des Calamités. Ce qui rend le rock de Sclavine plus dur que la plupart des références précitées – hormis Doris Le Mat-Thieulen qui a toujours débité des stères de rock pur –, c’est le jeu de basse de Laurent Margerin, lui, on sent qu’il a biberonné au punk. La basse est dotée d’un son qui claque, à la façon de Pierre-Yves Sourice des Thugs ou de Pierre Kezdy de Naked Raygun, des bassistes au son caractéristique généralement mis en avant par les producteurs qui en apprécient particulièrement la texture. Enfin, Pierre-Yves s’est quand même souvent plaint d’être noyé dans la production. Il faudrait demander à Peter Deimel qui a enregistré Money or Love. Peter Deimel qui travaillait avec Iain Burgess qui a enregistré les bassistes précités, PY Sourice et Pierre Kezdy. Les chiens ne font pas des chats. Mais ce qui importe, c’est que la basse de Laurent Margerin sert de voute orchestrale sur laquelle Véronique Guillot s’appuie pour s’envoyer en l’air, en chantant. L’album se conclut par un « Nightmare » qui pourrait bien emporter les suffrages des programmateurs radio avec le printanier « Si tu crois ». Sclavine n’est finalement pas si insaisissable que ça pour peu qu’on se laisse volontiers molester les esgourdes sans rouscailler, dépêchez-vous quand même de l’attraper avant qu’il ne s’envole en fumée, le compte à rebours est lancé.

Sclavine Money or Love autoproduction

Face A

Funky Sailor
He Is Ready
Nothing On The Horizon
Money or Love
Si tu crois

Face B

Gena and John
Alone
Tu le sais
Devil Lover
Nightmare


Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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