Quicksand « Interiors »

Quicksand "Interiors"
Difficile de boucler notre tour d’horizon de l’année 2017, sans parler de ce retour inespéré d’un des mythes les plus persistants de la scène Post-Hardcore américaine des années 90, Quicksand. Alors que la vague des reformations semble entretenir les fans de musiques alternatives dans une inquiétante nostalgie régressive, un disque aussi habité et fascinant qu’Interiors, prouve que les années n’ont pas entamé l’inspiration du leader historique Walter Schreifels, bien au contraire. A tous ceux qui affirment avec beaucoup d’assurance (et certainement beaucoup de jalousie) que la réputation de Quicksand était largement surfaite, le combo répond par la musique en signant son meilleur album à ce jour.

Notre homme aura gardé le secret d’un album, hautement fantasmé depuis la résurrection du groupe pour une série de concerts en 2012, et ce jusqu’au dernier moment. Déjà fort occupé par les groupes qu’il n’a jamais cessé d’activer ou d’investir, comme dernièrement, Vanishing Life ou encore Dead Heavens (auteur d’un surprenant disque de Rock Heavy psychédélique, Whatever Witch You Are (2017, Dine Alone Records), il a cependant trouvé les mots pour réactiver la flamme émotionnelle et incendiaire qui animait le groupe, et pousser à nouveau la porte du studio. Les membres historiques n’ont pas trahi l’essence même de leur musique, et prennent d’ailleurs leur revanche sur le malentendu qui accompagne la production clinique de Manic Compression (1995, Island Records). La tension viscérale et inhérente à la musique de Quicksand est toujours présente avec autant d’intensité, mais peut-être plus subtilement contenue qu’auparavant. Le chanteur et guitariste, Walter Schreifels et ses complices Sergio Vega (à la basse) et Alan Cage (à la batterie), mais aussi Tom Capone (à la guitare) désormais absent mais tout de même crédité sur le disque, emmènent en effet aujourd’hui avec eux, un vécu et des expériences musicales parallèles au sein d’une liste impressionnante de groupes aussi imposants qu’Handsome, Deftones ou Rival Schools, qui ressurgissent forcément dans les compositions de ce nouvel LP.
Le morceau d’ouverture « Illuminant » a quelque chose de rassurant, tant il se manifeste déjà comme un classique (peut-être un peu sage d’ailleurs) de Quicksand. La suite du disque ne provoque pas de surprise de taille, mise à part ses interludes post-rock purement instrumentaux, qui aèrent le disque avec beaucoup de finesse. Pourtant, au fur et à mesure des écoutes, la tonalité « Heavy » des guitares
éloigne plus que jamais le groupe, de son ADN Hardcore originel new-yorkais (Youth of Today, Beyond, Gorilla Biscuits) comme sur le solo central de « Interiors » ou le final enlevé de « Fire This Time ». Quicksand peut ainsi définitivement être rapproché de Helmet et de Page Hamilton, dans cette volonté d’explorer les possibilités instrumentales de sa propre formation plutôt que de reproduire à l’infini la définition d’un son normé et figé dans un dogmatisme esthétique obsessionnel. Désormais, beaucoup plus climatique que foncièrement percutant, le groupe décline une palette sonore plus nuancée que par le passé, empreinte de distorsions et d’alternances rythmiques, rappelant le meilleur du rock US bruyant et alternatif des années 90, à la croisée des Tool, Unsane (sans la voix de velours de Chris Spencer), Barkmarket et Girls Against Boys. Quicksand se fend même d’un titre presque pop, que n’aurait pas renié le Nada Surf de la grande époque. Walter Schreifels affiche ainsi son impressionnant registre vocal et émotionnel, qui fait de Quicksand un groupe si unique, capable de se réinventer en permanence, surtout quand il est épaulé avec précision par la science du studio, du très éclectique Will Yip.

Schreifels et sa bande, nous auront donc offert en 2017, un beau cadeau, et ouvert par la même de passionnantes perspectives pour l’avenir, dans la poursuite de la discographie ressuscitée de Quicksand, qui n’a plus rien d’un gâchis regrettable, mais tous les atouts d’un des plus attachants chapitres de l’histoire du rock new-yorkais.

Quicksand Interiors Epitaph

TRACKLIST:

Side A

Illuminant
Under The Screw
Warm And Low
>
Cosmonauts
Interiors

Side B

Hyperion
Fire This Time
Feels Like A Weight Has Been Lifted
>>
Sick Mind
Normal Love



Album également en écoute sur Bandcamp, Qobuz & Spotify.





Laurent Thore

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