Ian Dury « New Boots and Panties!! »

new boots and panties
Ian Dury m’a envouté. Comme perverti, je me suis approprié ce disque avec l’incompréhension de la poule devant un couteau. Je ne me rappelle plus pour quelle raison j’y suis venu. Sûrement suite à la lecture d’une chronique intrigante dans un des deux magazines de référence de l’époque ou après l’avoir vu à la télé à l’occasion d’une des nombreuses émissions consacrées au rock.

Il y avait Stiff Records qui était le label indépendant à ce moment-là. Tout le rock anglais à la pointe sortait forcément sur Stiff selon les observateurs éclairés. Je ne savais rien des antécédents de Dury. On parlait de cet allumé à l’accent cockney insurmontable, capable de brasser tous les courants musicaux, de traverser les âges, de Gene Vincent dont il était visiblement fan (“Sweet Gene Vincent”) à des choses plus dansantes, plus funky. Son album suivant, l’énormissime Do It Yourself (Stiff Records, 1979), attestera de ses penchants pour la musique black. On était en 77, on en était au punk. Fallait que ça soit agressif, violent, impulsif, révolté, transgressif, acnéique, du rock dans son plus simple appareil. J’avais quinze ans.
Et lui, il arrive avec sa gueule de hooligan pour prendre le contrepied du Punk avec des chansons écrites, léchées, surprenantes, limites rigolotes. Un ovni parmi les extraterrestres. Une sorte d’homme des cavernes vulgairement punk. Un Alien exotique avec sa musique typiquement anglaise, du moins, de l’idée que je m’en faisais. Ça me dépassait. Je ne comprenais pas toutes ces histoires de teddy-boys, de skinheads, de punks et de ce qui les différenciait et qui alimentait les faits-divers de nos quotidiens, même régionaux. Lui, à ce que j’en comprenais, avait le cul entre deux chaises, entre teddy-boy et skinhead. Il représentait un peu l’inconnu, le danger. Ça a certainement contribué à attiser ma curiosité à son égard.
Et avec des conneries comme “Billerkay Dickie”, comment comprendre si tu n’es pas né à Londres? La moitié des chansons m’échappaient. Je ne voyais pas le lien entre elles si ce n’est la voix tellement particulière du petit homme moche comme un cul à la jambe de bois. Parmi les tubes que compte cet album, il y avait “Sex & Drugs & Rock’n’roll” qui est devenu un hymne. J’ai écouté cette chanson en boucle des années durant et, à force de creuser, j’ai assimilé tout l’album qui était le parfait complément alimentaire à The Clash. Avec le Clash et Dury, j’avais la réponse musicale aux questions que nous nous posions en vivant en HLM dans des quartiers ouvriers avec une vie sociale extrêmement riche où se côtoyaient des familles de toutes origines, maghrébines, yougoslaves, portugaises, polonaises, espagnoles, manouches et que sais-je encore? Comment savoir, on ne se posait pas la question. On vivait ensemble. On partageait les mêmes choses. Les seuls moments où nos différences apparaissaient, c’était en entendant les accents des parents et les odeurs de cuisine chez les copains. Ce brassage des cultures, je le retrouvais chez Ian Dury et dans The Clash. Ça me parlait. Bien entendu, il y a cette forte implication britannique dans leurs textes, de toute façon, je ne maitrisais pas encore suffisamment l’anglais pour entraver quoi que ce soit. C’est leur musique qui me parlait, qui correspondait à ce que je vivais. Ian Dury, c’était un peu ma maladie honteuse, celle que je cachais. Je n’osais pas dire que j’aimais ça. AC/DC, Mötörhead, The Clash, oui, ça, je pouvais dire à mes potes que j’adorais. Mais Ian Dury! Personne n’aurait compris. Déjà que moi, je comprenais à peine.
Avoir quinze ans, habiter quartier Saint-Jacques à Clermont-Ferrand en 77 et écouter ce disque, il y avait incompatibilité. Comme si j’avais passé un crossroad infranchissable.

C’est rigolo de retrouver presque quarante ans plus tard, le gamin qui se trouve à côté de Ian Dury sur la pochette, son fiston, Baxter Dury.

Ian Dury New Boots and Panties!! Stiff Records
Site officiel de Stiff Records et page Facebook de Ian Dury.

TRACKLIST:

Side A

Wake Up and Make Love With Me
Sweet Gene Vincent
I’m Partial to Your Abracadabra
My Old Man
Billericay Dickie

Side B

Sex & Drugs & Rock & Roll
Clevor Trever
If I Was With a Woman
Blockheads
Plaistow Patricia
Blackmail Man



Patrick Foulhoux

Ancien directeur artistique de Spliff Records, Pyromane Records, activiste notoire, fauteur de troubles patenté, journaliste rock au sang chaud, spécialisé dans les styles réputés “hors normes” pour de nombreux magazines (Rolling Stone, Punk Rawk, Violence, Dig It, Kérosène, Abus Dangereux, Rock Sound…), Patrick Foulhoux est un drôle de zèbre.

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