Titouan Massé : Binic, Corbijn & Ty Segall

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Si vous ne l’avez pas aperçu lors d’un concert ou courant de part et d’autre d’une scène de festival, toujours à l’affut de clichés, vous avez pu tomber sur ses photos sur les réseaux sociaux, ou au détour d’un article dans New Noise ou Rock&Folk. A l’occasion du lancement de son site internet, on a profité de ce foutu confinement qui n’en finit plus pour poser quelques questions au photographe breton Titouan Massé.
Présente toi et raconte nous ton parcours…

Titouan Massé : Alors j’ai toujours été observateur et plutôt timide, en retrait, d’où le besoin de trouver une sorte de moyen d’expression qui me convienne et lorsque j’ai essayé la photographie, j’ai de suite compris que c’était par ce biais que j’allais y arriver. Deux trois personnes m’ont influencé dans mes amis : Le frère d’une amie qui avait créé une sorte de studio photo dans sa chambre d’université, ça m’avait beaucoup intéressé à l’époque… 

Fais-tu quelque chose d’autre à côté ? J’imagine qu’il n’y a pas que la photo dans ta vie ? 

Aujourd’hui oui, la photographie est mon activité principale, bien que je suis par ailleurs surveillant dans un lycée depuis quatre ans. Je fais également de la radio depuis une dizaine d’années, ce qui coïncide bien avec la photo : Ça m’a permis de rencontrer des artistes, de faire des interviews et des portraits. On peut peut-être même dire que la radio était là d’abord puisque c’est notamment son assise qui m’a permis au début d’obtenir des portraits.

Fabrice Gilbert (Frustration)

Tu fais principalement de la photo de musique : Pourquoi ce choix ?

Tout à fait. J’ai appris la photo dans les bars et les salles de concerts, parce qu’avant tout j’aime la musique et ce sont des endroits comme ceux-ci qui m’ont fait la main. Mais j’aimerais pourquoi pas faire de la photo de studio, on me l’avait proposé d’ailleurs mais ça ne s’était pas fait, on verra comment ça viendra, ce n’est pas exclu.

As-tu l’habitude de retoucher tes photos ?

Pour moi, la retouche telle que je l’imagine est plutôt propre à la photo de mode et la publicité. J’aime le naturel et la sensibilité d’un instant sans « tricher ». Je dirais que je fais plutôt du développement en gérant les contrastes pour le noir et blanc et la couleur et je réalise un travail sur les teintes et tonalités lorsqu’il s’agit de photo couleur. Il s’agit pour moi de faire passer une émotion, et c’est en général très rapide, si la photo n’est pas bonne de base je ne ressens pas l’envie d’en faire quelque chose derrière.

Tu travailles en argentique ou en numérique ?

Je travaille principalement en numérique mais il m’arrive de faire de l’argentique aussi. J’ai d’abord appréhendé la photo par le numérique ce qui m’a permis d’apprendre pas mal sans que cela me coute un bras… après quelques années cela m’ a évidement démangé de reprendre les bases avec l’argentique. Je pense que l’on réfléchit différemment quand on a un argentique dans les mains. En tant qu’amateur de portrait j’ai voulu faire l’acquisition d’un moyen format, un 6×6, le classique pour les portraits et les pochettes de disques.

Tu faisais tout à l’heure référence aux pochettes de disques, en bon amateur de musique que tu es, tu consommes ta musique sous quel format ?
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Le Québécois Hubert Lenoir

J’écoute de la musique tout le temps et je bouge beaucoup, donc je suis assez adepte du streaming, mais j’ai aussi une belle collection de vinyles qui grandit bien souvent au rythme des concerts auxquels j’assiste. Et quand les pochettes sont belles, rien de tel que le vinyle à mon avis…

Revenons à la photo, tu fais de la photographie de concert mais également du portrait. Tu as une préférence pour l’un ou l’autre ?

Clairement le portrait mais c’est aussi pour une autre raison : c’est l’occasion d’échanger avec l’artiste ou le groupe lors d’un véritable face-à-face. Si les sessions portraits se font avant le concert, tu peux aussi obtenir de bons clichés puisque les musicien(ne)s te remettent et viennent faire les imbéciles devant toi. Je pense même pouvoir me passer des photos en plein concert, je me concentre d’ailleurs parfois plus sur le public. C’est pas rare que je pose ma bière ou que j’aille faire le con, en tout cas parfois ça me démange.

Il y a d’ailleurs beaucoup de contraintes à faire de la photographie de concert, tu ne t’en lasse pas ?

C’est vrai que souvent… il faut admettre que ça peut être chiant, en festival surtout, mais ce sont les contraintes. Parfois tu n’as que trois morceaux et tu n’as plus le droit d’être là, il n’y a pas si longtemps je me suis fait fait virer du concert des Strokes à l’Olympia pour cette fameuse raison, c’était… très plaisant. Mais sur les scènes que je suis, je reste quand même assez libre. Mais donc en festival ça peut être plus difficile, même si je suis parfois accrédité par Rock&Folk et que ça ouvre forcément des portes.

Est-ce que tu arrives à profiter des concerts quand tu travailles ?

Je profite à ma manière, comme je disais ça m’arrive quand même d’aller poser mon appareil et de faire partie du public comme tout le monde, surtout sur les groupes pour lesquels j’ai déjà fait dix concerts et que j’adore.

Malgré les centaines de photos, certains groupes comme Frustration, Ty Segall ou les Oh Sees reviennent souvent… As-tu une relation particulière avec eux ?

Ty Segall lors d’un concert à Londres

Bien sûr, depuis tout à l’heure je pense à Frustration par exemple. Déjà j’aime leur musique, la première rencontre était à Brest et j’avais fait le trajet pour voir leur concert. On avait beaucoup discuté (je les avais interviewé pour mon émission de l’époque) et dès qu’ils venaient en Bretagne, j’allais les voir, on est véritablement devenus potes en 2015 au festival de Binic. Ces affinités sont souvent nées au Binic Folks Blues Festival. Ty Segall et les Oh Sees ont un dénominateur commun : Buzz, co-producteur du festival et tête de U-Turn Touring, cela m’a amené à suivre les groupes de près. Et dernièrement, de partir en tournée une petite semaine avec Ty et son « Freedom band », c’était ouf ! 

Est-ce qu’il y a des groupes que tu rêves de photographier ?

Oui, il y a eu des actes manqués et notamment Jack White. Un voyage devait être organisé avec Rock&Folk pour la sortie de son dernier album et sur son label/studio/usine de pressage Third Man Records. Jack White et les White Stripes, on peut décemment dire que je suis fan depuis 20 ans. Je croyais à fond à ce voyage, j’ai même arrêté de prévoir des trucs pour être certain d’être libre ! Mais des couacs, des ratés et surtout des questions de management ont fait que c’est tombé à l’eau… La presse a beaucoup moins d’impact aujourd’hui, dans la musique en général. Même sur ses concerts en France (et j’imagine ailleurs), seul son photographe attitré pouvait le shooter.

Est-ce qu’il y a des photos dont tu es particulièrement fier ?

Maxwell Farrington (Dewaere)

En vérité j’ai énormément de photos et ce n’est pas forcément une photo en particulier que je piocherais. Recevoir un papier qui dit que je vais prendre les Rolling Stones sur le vif, ça c’était fou. Souvent je me dis « oh elle déboîte » mais j’en ai pas forcément en tête : je continue. Ce sont des situations : Paf, tu as réussi à appuyer sur le bouton au bon moment et tu ressens toute l’énergie. La photo de Maxwell Farrington de Dewaere assis aux chiottes, j’étais au début d’un festival rennais et je savais que j’obtiendrais pas mieux du week-end.       

Des photographes que tu admires ?

Je profite du confinement pour regarder des choses, notamment un documentaire sur Mick Rock qui a vécu les débuts de nombreux groupes devenus cultes : Blondie, Bowie, Iggy Pop… La pochette de Transformer de Lou Reed c’est lui. Toutes les photos les plus dingues d’une époque et je ne connaissais finalement pas le lien entre toutes celles-ci : c’était lui. Sinon il faut dire que je suis fasciné par Anton Corbijn qui est, à mes yeux, un véritable tueur. Il m’inspire beaucoup !

Peux-tu me citer des albums dont tu ne te lasses jamais ?

Sleeper de Ty Segall (2013, Drag City) est d’entrée dans mes favoris, sans aucun doute, c’est un disque qui m’a beaucoup accompagné et qui restera. Big Sun de Chassol (2015, Tricatel). J’ai halluciné dès la première écoute. Je l’ai découvert en live, et je l’ai vu et rencontré plusieurs fois depuis. Ce mec comprends et compose la musique comme peu. New Vietnam de Civic (2018, Anti Fade). Dur de faire un choix tant la scène punk et post-punk de Melbourne défonce tout en ce moment et ce depuis quelques temps déjà mais ce disque est une bombe et leur passage à Binic l’année dernière était une sacrée déflagration !

Orville Peck


Pony de Orville Peck (2019, Sub Pop). Depuis que je l’ai découvert j’ai saigné la plupart des morceaux de ce disque absolument incroyable et qui s’est directement installé comme un classique en touchant tous les publics. Orc par Thee Oh Sees. Second album du dernier line-up en date du groupe (sorti en 2017 chez Castle Face). John Dwyer est accompagné par un bassiste et un duo de batteur de dingo. Le rythme et le groove est énorme, ça défonce tout ! Le titre « Animated Violence » en live est d’une puissance apocalyptique ! Sinon Beautiful Freak de Eels (1996, Dreamworks). Pas de mot. (c’est tellement beau !) et Califonication des Red Hot Chili Peppers (1999, Warner), parfait pour quand j’ai un truc à fêter avec un coup dans le nez !

Retrouvez le travail de Titouan Massé sur son site web par ici,
sur son Tumblr ou sur sa page Facebook par .

Les Danois de Iceage

Slam pendant le concert de The Chats


A (re)lire, deux comptes rendus de concerts illustrés par Titouan Massé
Ty Segall Band
à La Coopérative de Mai de Clermont-Ferrand en 2014
Eels
à L’Olympia de Paris en 2018.

eels e mark oliver everett 2018 olympia l'olympia paris live concert gig report compte-rendu chronique review critique

Stéphane Pinguet

Disquaire indépendant aigri mais passionné, amateur de musique, cinéma, littérature et bandes dessinées en tous genres.

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