Yoni & Geti « Testarossa »

Testarossa

Voici un disque que je rangerais aisément dans la catégorie Pop. Depuis Beck et bien sûr avant lui, les Beastie Boys, de nombreux artistes américains issus des classes moyennes s’emparent de la chose Hip-Hop et de l’art de rapper, pour propulser leur musique dans les méandres de la modernité, tout en proposant une version psychédélique et décalée de cette musique urbaine, qui définit encore aujourd’hui les grandes lignes des musiques populaires.

A ce titre, Yoni Wolf, musicien emblématique de l’alternatif américain, co-fondateur du label Anticon et figure de proue de Why? et autres Clouddead est un exemple parfait de ces branleurs magnifiques, qui font la joie de nos platines depuis des années. Alors, quand il s’associe à son ami de longue date, David Cohn, plus connu sous le patronyme de Serengeti, le propos prend la forme d’un rêve éveillé. En effet, le duo inédit Yoni & Geti réveille dans ce somptueux Testarossa les expérimentations heureuses de Why? dans un jeu de question/réponse jubilatoire entre les deux flows malins de Yoni & Geti.
Pour ceux qui connaissent les noms cités un peu plus haut, force est de constater que ce disque navigue en terrain connu. Pour les autres, ouvrez les oreilles, et laissez vous porter par ces instrus bricolés qui puisent leur essence dans le folk alternatif, la new-wave, la musique mainstream voire la vague electronica des années 90, symbolisé par le label Warp et un groupe majeur comme Boards Of Canada. Parfois drôle, souvent proche de la parodie, mais versant aussi par moment dans une douce mélancolie comme sur « The Lore », Testarossa rassemble mine de rien, une collection d’hymnes underground tout à fait jouissifs qui magnifient en quelques beats cette habilité à raconter le quotidien (« Lunchline »). Il y a même quelque chose de rassurant à écouter ce disque : alors que le Rap Game surenchérit avec son imaginaire extrêmement codifié marqué par les frasques du luxe, de l’argent et de la virilité, voilà que Testarossa détourne cet univers dans une version revisitée bancale et sensible, telle que la contre-culture américaine peut aussi en produire avec bonheur, au cinéma avec des réalisateurs comme Gregg Araki ou dans le journalisme spécialisée, avec Nardwuar. En somme, une belle façon d’apporter beaucoup de nuances dans la définition d’une culture US, pas si monochrome que les médias de masse voudraient nous la présenter.

Le disque se termine sur l’interlude très lo-fi « Simple & Sweet », noyé dans la réverb’, qui n’aurait pas d’ailleurs pas dépareillé sur un album de l’Anglais BabyBird, dont l’approche artistique n’est pas sans rappeler celles de Serengeti et Yoni Wolf, à travers une vision artisanale et extrêmement prolifique de l’industrie musicale.

Yoni & Geti Testarossa Joyful Noise Recordings
Site web de Yoni & Geti et site web de Joyful Noise.

TRACKLIST:

Side A

Umar Rashid
Allegheny
Madeline
Frank
Lunchline
Change
Wassup (Uh Huh)

Side B

Lucky Town
What a Fool
Simone
Down
The Lore
I, Testarossa
Simple & Sweet



Album également dispo’ sur Spotify.





Session live du groupe chez Audiotree à Chicago.

Laurent Thore