Niandra Lades « You Drive my Mind »

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Le groupe de rock indépendant Niandra Lades affine, sur son excellent troisième album, sa personnalité musicale avec toujours plus de finesse et d’inspiration, entre tendresse pop, digressions post-rock et un certain radicalisme sonique, hérité de leurs influences noisy, shoegaze, post-punk et metal.

La voix d’Alexandre Costa est cet évident marqueur de l’identité de Niandra Lades. Peut-être encore plus sur ce nouveau disque, c’est lui qui suggère à travers son chant les climats mouvants qui habitent ce long format, d’ailleurs parfaitement résumépar le titre « You Drive My Mind ». Derrière ses intentions vocales qui pourrait évoquer, non sans le faire rougir, Billy Corgan des Smashing Pumpkins ou Thurston Moore de Sonic Youth, le leader naturel du groupe apporte sa sensibilité finalement peu courante dans l’univers des musiques rock bruyantes et rageuses. En résumé, elle verrait s’affronter la fraîcheur de l’enfant avec la rage de l’adulte. A l’image des pochettes Night Funeral, et désormais de You Drive My Mind et des photographies qui les incarnent, les souvenirs sont toujours présents quelque part, un peu comme des fantômes qui hanteraient nos vies.
Symboliquement, la mécanique créative de Niandra Lades pourrait être la résultante d’une lutte pour justement ne pas rester prisonnier du passé : des regrets, des erreurs, de la nostalgie… Et d’ailleurs, le groupe n’existerait peut-être pas aujourd’hui, si Alexandre n’avait pas dépassé l’humiliation d’un premier concert adolescent, où il avait dû s’improviser chanteur. En tant qu’album, You Drive My Mind répond au côté pesant, lancinant, à la folie latente de son prédécesseur, Night Funeral par un côté plus immédiat, plus direct, un peu comme si l’équilibre (relatif tout de même) entre deux des plus grosses influences de Niandra Lades, à savoir les Pixies et Chokebore, balançait plutôt du côté de la bande à Black Francis, arbitré par moment par Kevin Shields (« Where is your Smile »), J. Mascis (« The Witches ») et même Tim Kasher (« Don’t Throw Your Rights »). Pourtant le groupe ne semble ne s’être jamais autant émancipé de son propre background musical, non en s’éloignant volontairement et excessivement de ses illustres ainés, mais surtout en jouant toujours un peu plus à la marge avec les codes largement établis, qui sont les siens. Par exemple, en 3 minutes 10 secondes, le détonnant « Wrong Way Men » annonce la couleur à travers sa basse/batterie implacable, martyrisée par ces sursauts de guitares venimeux, mais aussi ces alternances au chant, aussi affirmées et libérées, à la manière d’un Dylan Baldi (Cloud Nothings). La complicité entre le batteur Nicolas et le bassiste Samy n’a d’ailleurs jamais été aussi mise en avant et entendu aussi éclatante, au point d’évoquer la réunion de Carlos D. et Samuel Fogarino dans les premières années des New-Yorkais d’Interpol.

En écoutant le très mélodique You Drive My Mind, force est de constater qu’aucun autre album des clermontois n’avait montré une continuité créative aussi forte et aussi aboutie. C’était d’ailleurs très bien vu, d’annoncer il y a quelques mois ce disque à travers « It’s Time« , sa longue conclusion, élément d’ailleurs pas forcément représentatif de l’ensemble, mais parfait exemple des possibles qui sontaujourd’hui à portée des désirs et des envies, des médiators, des cordes, des claviers de Niandra Lades. Sur la longueur passionnante de ces neuf morceaux, aucun n’est en dessous des autres : cette sensation étant d’ailleurs dû à un retour à une forme de sobriété dans l’écriture et la  composition à l’image de « The Same Boat ». Les cinq musiciens, toujours accompagné dans leur quête sonore par l’excellent Pascal « Power » Mondaz, maîtrisent avec toujours plus de précisions et de nuances les élans bruitistes qui sont les leurs. Mais ils mettent peut-être aujourd’hui plus que jamais en relief les sentiments contrastés et tourmentés des superbes chansons de l’ami Costa, à défaut de les noyer dans une catharsis sombre comme sur le massif « In The Blizzard » (Night Funeral). Un objet incandescent et instable comme « Malvo » n’aurait ainsi certainement donné la même impression, s’il avait été enregistré lors des sessions de Night Funeral. Plus largement, le retour au premier plan des influences grunge, lo-fi ,power pop (Sebadoh, Weezer, Pavement…) et peut-être encore plus profondément d’influences aussi déterminantes que celles des Beatles, de Sparklehorse, (et donc de Paul McCartney et du regretté Mark Linkous) nourrit la générosité mélodique de ce petit bijou de pop énervée et électrique totalement addictif.

Niandra Lades You Drive my Mind

TRACKLIST :

Wrong Way Men
You Drive my Mind
The Same Boat
#Untitled w/ Bass
Malvo
The Witches
Where is your Smile
Don’t Throw Your Rights
It’s Time


Album également disponible sur Bandcamp & Spotify,
mais aussi chez tous les bons disquaires indépendants !




Laurent Thore

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